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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Guerre, #Thomas H. Ince, #Reginald Barker
Civilization (Thomas H. Ince - Reginald Barker - Raymond B. West , 1915)

La petite ville de Nurma vit en paix depuis bien longtemps quand éclate la guerre déclarée par son roi (Herschel Mayall). Les villageois valides (ceux qui tiennent debout) sont enrôles de force et partent mourir pour leur patrie.

A un niveau plus élevé, le comte Ferdinand (Howard Hickman), inventeur pour e même roi, va conduire une expédition pour prouver la réussite de sa nouvelle trouvaille, un sous-marin. Sa mission : couler un navire de ligne qui transporte du matériel de guerre pour l’ennemi, le Propatria.

Mais entre-temps, ses yeux se sont ouverts et il refuse d’utiliser son invention pour tuer des innocents : sur l’instigation de sa fiancée (Katherine Haldemann), il est devenu un soldat de la paix.

 

Si cette intrigue vous rappelle quelque chose, c’est tout à fait normal : le scénario de C. Gardner Sullivan s’inspire du conflit qui fait rage au même moment en Europe, la première Guerre Mondiale. Le paquebot Propatria est même une référence claire au Lusitania qui coula quelques mois plus tôt (7 mai 1915) et dont le souvenir est tenace puisque qu’on comptait des Américains parmi les victimes.

Mais curieusement, ce film n’est pas un plaidoyer en faveur d’une quelconque intervention américaine vengeresse dans ce conflit puisqu’il s’agit avant tout d’un film pacifiste, étayé par une présentation engagée dont un intertitre conserve aujourd’hui encore une force intacte : « Si seulement ceux qui prétendent Le [Jésus] suivre, mettaient en pratique ce qu’ils prêchent, nous verrions enfin l’aube naissante de la Civilisation. » (1)

Ce film pacifiste fut, dit-on, l’un des éléments qui permirent au président Wilson d’être réélu l’année suivante grâce à sa ligne politique non-interventionniste.

 

Mais si le film rejette totalement la guerre, il dénonce tout de même le Kaiser Wilhelm II comme le responsable de ce conflit, sous les traits de ce personnage très décoré dont l’habit rappelle plus un roi d’opérette que le chef de l’Allemagne. Mais surtout, Ince et ses collaborateurs vont très loin dans la dénonciation de ce conflit : le budget colossal pour l’époque (1 million de dollars) et le long tournage (près d’un an) donnent à la guerre un cachet réaliste formidable.

Bien sûr, les soldats tombent comme des mouches, mais on a aussi les victimes collatérales du conflit : les civils tués, femmes et enfants, la famine qui s’installe dans les régions sinistrées par la guerre. Sans oublier les différentes composantes de la guerre : coups de feu et explosions diverses qui accentuent le propos pacifiste du film.

 

Et la « Civilisation » ?

Il ne s’agit pas à proprement parler d’une civilisation particulière mais bien d’un état : la civilisation en opposition à un état barbare caractérisé par la haine née de l’envie. Et cela nous emmène dans des considérations religieuses inévitables (2). On peut s’étonner de l’interaction entre le roi et Jésus (George Fisher), voire la regretter, mais cela reste tout de même une très belle séquence de surimpression, nourrissant avec beaucoup d’images fortes le propos pacifiste.

 

Reste que ce film ambitieux et édifiant est une de ces superproductions de la période muette qui a traversé les âges sans perdre beaucoup de son propos. Certes, la dimension mystique apparaît un tantinet déplacée une centaine d’années plus tard, mais cette séquence possède malgré tout un bel éclairage élaboré ainsi que des messieurs tout nus !

De plus, le trio de réalisateurs nous propose un très beau spectacle dont on retrouvera la patte de chacun, et on peut regretter que deux d’entre eux n’aient pas vécu bien longtemps (3).

 

  1. « If only those who profess to follow Him, would practice what they preach, we would at last see the rising dawn of Civilization. »
  2. Aux Etats-Unis en 1916, on ne pouvait pas éviter l’aspect religieux de la paix, annoncé dès les intertitres de présentation.
  3. West est mort en 1923 et Ince en 1924.
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