Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Western, #King Vidor, #Lillian Gish
Duel au Soleil (Duel in the Sun - King Vidor, 1946)

Crépusculaire.
C’est le mot qui vient tout de suite en tête quand on évoque ce film.

Non pas qu’il soit un ascendant des westerns des années 1960s, mais parce que le Technicolor utilisé nous inonde de rouge enflammés, rappelant sans équivoque Autant en emporte le Vent.

Non, crépusculaire ne qualifie pas ce western, car l’âge d’or vient de commencer, et de magnifiques chefs-d’œuvre vont arriver dans les années qui vont suivre.

 

Avec ce western, Vidor nous offre deux grandes retrouvailles : celle avec Lillian Gish (Mrs Laura Belle McCanles) qu’il avait fait tourner vingt ans plus tôt (La Bohême), et celle de cette même Miss Gish avec Lionel Barrymore (Mr McCanles), qu’elle connut du temps de ses débuts avec Griffith.

Autre rencontre insolite : celle de Lionel Barrymore (encore lui) avec Walter Huston (le père de John), alors que tous deux ont interprété un même personnage. C’était le révérend Davidson, un pasteur à moitié intégriste et qui cachait sa fascination pour la belle et sulfureuse Sadie Thompson, derrière un rigorisme qui tournait à l’obsession.

Et ici, le révérend – « Tueur de péchés » (1) – possède une foi encore une fois un tantinet excessive, la convoitise en moins tout de même.

 

Mais ce film est avant tout une histoire d’amour extraordinaire, qui se résout, comme toujours quand on a affaire à de l’amour fou, dans la mort, exprimée par le titre (2) : un duel au soleil.

Et cet amour s’exprime de différentes sortes, mais avec le même résultat tragique : un gâchis phénoménal, comme dans les grandes tragédies classiques.

Mais à cela s’ajoute la notion de rédemption – que la plupart gagneront – sauf bien sûr Lewt (Gregory Peck), qui est déjà damné quand il apparaît pour la première fois.

Et cette référence religieuse – outre la présence de Huston – est une des bases de l’intrigue : une opposition entre deux fils qui, tels Abel et Caïn, vont s’opposer plus ou moins directement, mais pas pour la préférence de Dieu, mais celle de Pearl (Jennifer Jones).

 

Parce que le moteur de l’intrigue, c’est la très belle Pearl, dont le statut métis est des plus compliqués. En effet, née de mère indienne et de père américain (entendez : « blanc »), elle n’est pas acceptée par le père McCanles, gentilhomme du Sud et donc peu enclin à l’égalité entre les différentes ethnies. A ce propos, on retrouve Butterfly McQueen, dans un rôle de servante – esclave ? – avec encore une fois une intelligence limitée et sa voix de petite fille.

 

Et comme nous sommes dans un western – un vrai – on y retrouve des immenses espaces – malheureusement, il fallut attendre un peu pour le CinemaScope (1953) et donc le format reste 4:3.

Outre les différentes personnages indispensables – le shérif (Charles Dingle), des convoyeurs de bêtes (3), le pasteur (voir plus haut) – on y rencontre avec plaisir Harry Carey (Lem Smoot), transfuge de chez Ford qui interprète un homme bien, même s’il n’est pas du même bord que McCanles Sr.

 

Et puis il y a, omniprésente, la mort. Elle est annoncée dès le début – par Orson Welles (narrateur) – et avant qu’elle frappe les hommes, l’embrasement du ciel au moment du coucher du soleil rappelle cette mort que les Indiens célébraient quand le fils du chef se mourait.

Et cette omniprésente du rouge – le soleil, le ciel, le sang – ne cesse de coller aux différents personnages, et surtout Pearl et Lewt : quand il la rencontre, Jesse (Joseph Cotten), l’autre fils McCanles, l’encourage à se vêtir de couleur. C’est ce qu’elle fera sauf quand elle ira danser, portant alors une robe blanche.

Mais les éclairages de la fête (et des projecteurs, bien évidemment) la pareront de différentes couleurs, avec l’inévitable rouge plus ou moins prémonitoire. Et quand ce n’est pas elle, c’est Lewt, arborant inlassablement son foulard rouge, là encore prémonitoire. J’aurais même pu aller jusqu’à considérer le rouge comme la perte de la virginité de Pearl, mais n’allons pas trop loin. Même si les références sexuelles sont bel et bien là !

 

Reste un western absolument flamboyant, dans la lignée de Gone with the Wind – normal, c’est David O. Selznick qui produit – mais avec une référence à la tragédie classique beaucoup plus marquée.

Et si Vidor a été viré sur la fin du tournage, on n’en assiste pas moins à la deuxième fois qu’il tue Lillian Gish : encore une fois, la maladie qui ressemble à celle de Mimi (voir plus haut), et le lit où elle s’éteint doucement.

Et la mort de Laura Belle annonce celle de Pearl, dont le déroulement aura une grande similitude : elle se hissera vers l’homme qu’elle a aimé pour mourir près de lui.

 

Et alors que cette première mort reste feutrée – elle se passe dans une chambre – celle de Pearl sera beaucoup plus sordide : dans le désert, diminuée par la blessure fatale, le sang et le sable et la terre se mêlant pour un final plutôt laid, loin de cette belle fleur de l’introduction, celle qui était censée symboliser Pearl, fille d’une Indienne et d’un blanc.

 

Superbe.

 

PS : Deux ans plus tard William Dieterle – qui a travaillé sur la fin du film – reprendra un trio de ce film, Jennifer Jones, Joseph Cotten et Lillian Gish dans le magnifique Portrait of Jenny.

 

  1. « Sinkiller »
  2. Pour une fois que le titre d’un western est bien traduit…
  3. Des cowboys, quoi !
Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog