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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Dziga Vertov, #Documentaire

Frénétique. C’est ce qui caractérise le mieux ce film.

En effet, pas de repos pendant toute la durée de la projection. Ca remue, ça grouille, ça fourmille, ça va dans tous les sens. C’est un raz de marée cinématographique.

L’histoire ? Il n’y en a pas. Ou si peu. Une journée dans une grande ville soviétique (un mélange de plusieurs d’entre elles).

Mais derrière cette pseudo-histoire, une thèse très soviétique :

« Nous, les Soviétiques, n’avons peut-être pas inventé le cinéma, mais nous le maîtrisons parfaitement ! »

Parce que ce film est une suite de prouesses techniques. (Presque) Toutes les possibilités qu’offrait le cinéma en 1929 sont utilisées :

  • Ralenti ;
  • Accéléré ;
  • Plan d’ensemble ;
  • Plan moyen ;
  • Plan américain ;
  • Gros plan (visage) ;
  • Très gros plan (lavage de dents) ;
  • Travelling ;
  • Panoramique ;
  • Partage de l’écran ;

Comme on disait chez Marks & Spencer : “Name it, we’ve got it!”

Il ne manque que la couleur et le parlant.

Alors on gobe. On ingurgite, on avale, jusqu’à en être repu. Parce qu’à un moment, c’est l’overdose.

Parce que ce n’est rien d’autre qu’un film de propagande.

Bienvenue au Paradis du Communisme ! Ici, pas de répit. Tout est continuellement en mouvement. Et quand ce n’est pas la caméra, ce sont les gens. Dans ce paradis, non seulement tout le monde participe, mais en plus, les gens sont heureux. Tous sourient (ou presque !)

Au début du film, on suit le cortège allant enterrer un homme. Mais dans le même temps, une femme accouche, dans la douleur. Le bébé sort (images crues – naturelles, véritables – de la libération) et la femme sourit. L’équilibre est maintenu.

Et puis c’est la journée de labeur. Tout le monde participe, et ça travaille ! Ca coud. Même les standardistes cousent, à l’aide de leurs fils téléphoniques. [A ce propos, on remarque que les couturières utilisent des machines à coudre impérialistes : ce sont des Singer !]

Et quand la journée est terminée, tout le monde se délasse : sport, plage, manège, illusionniste…

C’est le retour de l’innocence paradisiaque.

Ensuite, quand le soir tombe, les gens vont boire (de la bière) ou au cinéma.

Et que voient-ils au cinéma ? Leur vie – tout ce que nous avons vu – en accéléré.

Il y a tout de même un arrière-goût de déjà vu. Deux ans plus tôt, Walter Ruttmann sortait Berlin: Die Sinfonie der Großstadt (Berlin, Symphonie d’une grande ville).

Mais là où l’Allemand nous montrait le faste et la démesure de Berlin, faisant de cette symphonie une véritable féérie d’images, le Russe, ici, nous montre la réalité. Pas de rêve. Tout est pragmatique. Les gens sont normaux, ni riches ni pauvres et ont des goûts et des occupations raisonnables. S’il y a des danseuses, cela reste très normal.

Autre différence de taille avec le film allemand, c’est la place de l’Homme à la caméra.

Nous assistons au film et en même temps au making of ! A chaque nouveau plan, nous avons la mise en place de l’appareil. Mais à un moment, ce n’est plus redondant, c’est lourd !

Parce qu’avec ce film, Vertov se lance dans une quête.

Stendhal écrivait : « un roman, c’est un miroir qu’on promène le long d’un chemin. »

Mais Vertov n’utilise pas de miroir. Il filme la réalité. Et même la vérité. Les gens sont vrais, les lieux existent, les situations sont rationnelles. Il ne manque que Staline pour compléter le tableau (en 1929, il n’est pas encore le chef suprême). Mais si vous n’êtes pas convaincu que les Soviétiques savent faire du cinéma et que leur pays et leur système politique sont les meilleurs du monde, alors Vertov a raté son coup.

Le cameraman est omniprésent. Partout : dans la rue, sur le marchepied d’un train, entre deux voix de tramway, en haut d’un immeuble, dans l’eau… Le seul endroit où il n’est pas, c’est sur les avions qui s’envolent. [Mais il n’a pas la drôlerie de Keaton !]

C’est d’abord l’homme À la caméra. Ensuite, l’homme A la caméra. Et finalement, l’homme EST la caméra.

Et même : la caméra devient autonome et se déplace seule.

Et au final, l’homme à la caméra apparaît en surimpression sur ses propres images, sur le monde qu’il vient de filmer. Il est Dieu, un dieu qui voit tout, qui sait tout.

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Y
Je remarque que tu fais référence à Berlin, Symphonie ... Qui est bien meilleur que ce film de Vertov. Pourtant l'Histoire n'a retenu que ce film et pas celui de Ruttmann.
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D
Tout à fait.

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