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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Guerre, #Oliver Stone
Platoon (Oliver Stone, 1986)

L’affiche était claire : un soldat, à genoux, la tête en arrière et les bras étendus vers le ciel. C’est la guerre, la sale guerre, celle qui a montré au monde que les Etats-Unis, cette superpuissance, n’était pas si invincible que ça.

Et les images que nous voyons vont dans ce sens voire beaucoup plus loin : non seulement cette guerre était perdue d’avance, mais en plus, des exactions y furent commises, relevant plus du crime contre l’humanité (1) que d’une simple opération de commando.

 

Et Oliver Stone, trois ans après Salvador, nous propose un nouveau film coup de poing, montrant encore une fois les exactions américaines à l’étranger.

Mais surtout, il met en scène de la pus belle des manières cette sale guerre, montrant comment ceux qui on pu en revenir ont eu leur vie gâchée, le traumatisme ne les quittant qu’une fois morts.

Si Salvador avait fait découvrir Stone en tant que réalisateur engagé, Platoon va lui permettre d’accéder à la consécration, recevant même l’Oscar du meilleur film en 1987.

 

Tout commence à l’arrivée de Taylor (Charlie Sheen) au Viêtnam en 1967. Il est affecté à un peloton (en anglais : platoon) qui va partir en expédition du côté de la frontière cambodgienne. Elle est dirigée par un lieutenant novice et réservé, mais ce sont surtout Barnes (Tom Berenger) et Elias (Willem Dafoe) qui dirigent les hommes : Barnes est un guerrier, il y croit toujours autant qu’à son arrivée ; Elias est sceptique, il n’y croit plus, allant jusqu’à dire que la guerre – qui va durer encore quelques années – est irrémédiablement perdue.

 

C’est cette opposition, cette dualité qui va baigner le film – presque toujours montré selon le point de vue de Taylor, le narrateur – amenant les autres membres de ce peloton à adopter une attitude plus ou moins tranchée en faveur d’un de ces deux hommes.

Bien sûr, cette dualité inclut une forme de manichéisme : Elias le Bon et Barnes le Méchant, mais nous savons tous que la vérité n’est pas aussi tranchée.

Car si Elias est moralement défaitiste, cela ne l’empêche pas d’intervenir contre l’ANV (2) et de tuer des hommes (même si ce sont des militaires) comme n’importe quel autre soldat.

Quant à Barnes, c’est un véritable salaud, mais à sa décharge, avoir vécu cet enfer n’aide pas à conserver un esprit sain.

 

On va alors suivre ce peloton, régulièrement attaqué par une armée supérieure en nombre sinon en technologie avec en point d’orgue un assaut de l’ANV contre une position américaine, laissant derrière elle un carnage incroyable avec corps poussés dans une fosse par un bulldozer, à l’instar des images de libération des camps de concentration en 1945.

Nous ne sommes pas dans un cadre de génocide, mais le résultat est le même : des hommes sont morts, mais aussi des femmes et des enfants, comme le montre l’expédition menée contre un village favorable aux V-C (2).

Et comme le dit Taylor – à propos de Barnes, mais cela s’applique à tous les autres Barnes qui sont allés là-bas – ils font leur guerre impunément, personne ne leur dit rien.

 

Tout comme Willard dans Apocalypse Now (3), cette expérience ne pourra pas laisser Taylor inchangé. Mais alors que le premier reste silencieux une fois sa mission accomplie, Taylor nous emmène jusqu’au bout de son enfer, partageant les enseignements qu’il en a tiré, insistant sur ce côté sombre qu’ont dû rejoindre à un moment où à un autre tous ces soldats, qu’ils soient engagés volontaires (c’est le cas Taylor entre autres) ou simple troufion victime de la conscription mise en place par Robert McNamara. Nous assistons d’ailleurs à une discussion entre Taylor et certains jeunes noirs qui ont eux été obligés d’y aller, alors que Taylor l’a choisi : seuls les riches s’engageaient, puisqu’ils étaient capables d’échapper à la conscription d’une manière ou d’une autre.

 

Et puis il y a la photo de l’affiche, j’y reviens parce qu’elle est tout de même d’une grande pertinence, que ce soit à propos du film ou du conflit lui-même : C’est donc Elias qui est tué par l’ANV, alors qu’il essaie de rejoindre ses pairs.

Sa position à genoux, juste avant le coup de grâce qui le couchera définitivement, lui donne une dimension christique les bras en croix au-dessus de la tête. Mais si le Christ est le Rédempteur et de par ce fait sauve les hommes, la mort d’Elias n’est pas un sacrifice, ou alors si elle en est un, il ne sert à rien, les autres sont soit morts, soit déjà évacués.

 

De toute façon, personne n’est sauvé quand se termine le film, comme le souligne Taylor, lors de sa dernière intervention.

C’est un sacrifice inutile (encore un pléonasme quand on parle d’une guerre) auquel ont participé ces hommes morts à qui est dédié le film : personne n’en est revenu grandi.

 

 

PS : A noter la présence d’un petit jeune (23 ans) dans le rôle de Lester : Johnny Depp.

 

  1. Pléonasme à mon avis quant on parle d’une guerre, mais cette expression montre qu’il y a différents niveaux d’interventions militaires mais surtout d’acceptation d’un massacre…
  2. ANV = Armée nord-vietnamienne (de Ho-Chi-Minh) ; V-C = Viêt-Cong
  3. Apocalypse Now est le film qui a lancé toute une série de films qui remet en cause la suprématie américaine, montrant les ravages d’une sale guerre, sacrifiant une partie d’une génération. Dans le film de Coppola, c’est à travers le personnage interprété par Martin Sheen, le père de Charlie, que nous est présentée cette guerre.
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