Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Guerre, #László Nemes
Le Fils de Saul (Saul Fia - László Nemes, 2015)

Terrible.

Le film s'ouvre sur un paysage vert. Flou. Une ombre s'approche jusqu'à se distinguer. C'est un homme à la lèvre tuméfiée. Il est marqué. Il est fatigué. Il s'appelle Saul (Géza Röhrig). Il est juif. Il accompagne un groupe. Il croise un soldat. C'est un Allemand. Il continue son parcours avec son groupe. Ils entrent dans un bâtiment. Une voix annonce qu'il faut se déshabiller pour aller prendre une douche. Alors Saul aide ceux qu'il a accompagnés.

La porte se ferme. Les occupants frappent à la porte. Saul et ses compagnons commencent à rassembler les effets de ceux qui sont dans la « douche ».

Saul fait partie d'un commando spécial (Sonderkommando). Il s'occupe de vider puis nettoyer les chambres à gaz.

Et puis un jour, on trouve un rescapé quand on nettoie. C'est un jeune garçon. Saul le reconnaît tout de suite : c'est son fils. Dès lors, il  n'aura de cesse de trouver un rabbin afin de l'enterrer dignement.

 

La recette du succès, c'est d'être là au bon endroit, au bon moment.

Saul est toujours au bon moment. Mais jamais au bon endroit.

Déjà, il est à Auschwitz. L'espérance vie d'un élément des Sonderkommandos est de quelques mois. Nous sommes en octobre 1944. Si près, et pourtant si loin de la fin de la guerre.

Dès le début, László Nemes prend le point de vue de Saul. Nous allons le suivre, et seulement lui. Tout est flou alentour. Seul son visage et le haut de son buste nous importent - de face, de profil, de dos -, ainsi que ceux qui gravitent assez près de lui. De temps en temps, Saul devient flou pour laisser place à la réalité : celle des camps de concentration, et entre autres les exécutions.

Pour le reste, c'est Saul qui nous intéresse.

Il est normal que le monde alentour soit flou : Saul est seul (quand on meurt, on est toujours seul), il ne doit penser qu'à sauver sa propre peau. Il n'y a pas de place pour l'altruisme. Parfois la solidarité, mais pas plus. Chacun est un mort en sursis, alors on n'a pas le temps, ni le devoir de s'attacher.

Alors Saul évolue dans cet univers - ô combien - hostile, à la recherche d'une chimère : un rabbin, un vrai.

Il y en a un, un officiel - rabbi Frankel (Jerzy Walczak) -, qui veut bien réciter un kaddish, mais pas plus. Alors Saul guette chaque nouvel arrivage à la recherche d'un autre rabbin « parmi les morts ».

 

Saul est - malheureusement pour lui - toujours « au bon endroit ». Il suit toutes les étapes de l'entreprise de mise à mort des Juifs : de l'arrivé à la dispersion des cendres dans la rivière proche. Il est là quand les « morts » arrivent, les accompagnent jusqu'aux « douches » puis nettoie les traces de leur « passage ». Il est là aussi quand l'officier allemand décide de renouveler ce Kommando. Il faudra se débarrasser de ceux qui le constituent. Il est aux premières loges aussi quand les prisonniers décident de se révolter. Il va suivre tous les faits marquants du camp, mais toujours dans sa propre bulle. Tout le reste semble irréel. Seul compte son fils et sa sépulture. Et Ella (Juli Jakab) : son ancienne femme ? La mère de son fils ?

Mais Ella l'est n'est qu'une apparition fugace. A-t-elle seulement existé ? Le paquet qu'elle lui a remis a disparu quand il doit le livrer.

On ne le sait pas.

Et puis il y a l'exclamation, par deux fois, du rabbin Frankel : « tu n'as pas de fils ! »

Saul jure que si, que c'est sa vie d'avant. Et il s'accroche à cette idée, à cet espoir jusqu'au bout. Jusqu'à la séparation inévitable : un baptême mortel.

 

Et puis on sait.

A la fin, on sait qui était le « fils de Saul ».

 

Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog