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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Louis Malle
Ascenseur pour l'Echaufaud (Louis Malle, 1958)

Une femme, seule, le regard triste, erre dans Paris, pendant que le ciel pleure son amour perdu.

Deux jeunes gens, amoureux, insouciants, qui roulent à tombeau ouvert vers la mort.

Celle des autres, puis la leur.

Et un homme, seul, coincé entre deux étages, un samedi soir.

 

C’est la France des années 1950. Celle qui a enfin réussi à se sortir du bourbier de l’Indochine pour entrer dans celui de l’Algérie. C’est la France des autoroutes, ces nouvelles voies de la liberté. C’est aussi la France de la Dauphine : « un bébé, un vrai joujou… ».

Mais ce qui ne change pas, dans cette France en mouvement, c’est qu’on y tue toujours par amour. Ou par désespoir.

 

La femme, c’est Jeanne Moreau. Elle traîne son beau visage mélancolique dans les rues de la capitale, à la recherche de son amour (qu’elle croit) perdu. Elle déambule, noctambule forcée jusqu’au petit matin, ou plutôt jusqu’au bout de la nuit. Son voyage se terminant dans les bras de celui qu’elle a aimée, sur des photos dans un bac de révélateur, qui n’a jamais aussi bien porté son nom.

Lui, l’homme seul, c’est Maurice Ronet. C’est lui qu’elle croit avoir perdu, puis retrouvé, pour finalement le perdre définitivement.

 

Parce que ce film raconte une rupture. Celle de deux amants qui ne se reverront plus.

Cette rupture est fortuite : il est bloqué entre deux étages. Ou entre deux étapes de sa vie. Celle d’avant, dissimulée auprès de celle qu’il aime. Et celle d’après, qui s’ouvre à eux, pleine de promesses. Mais l’ascenseur, qui symbolise la transition entre ces deux vies, est bloqué. Il peut tout de même entrouvrir la porte du dessous, celle de la résolution et de la liberté. Mais il ne peut pas passer. Quant à la porte du dessus, celle d’avant, il n’y a plus accès. Elle est définitivement fermée.

Entre ces deux vies, un mort. Un cadavre. Celui de son mari à elle : Jean Wall. Il n’y a plus de retour possible comme l’indique cet ascenseur coincé entre deux instants : le présent ne bouge plus, immobilisé entre un avenir prometteur mais inaccessible et un passé trop consommé pour revenir.

Et quand la cabine se libère enfin, c’est pour une troisième voie, qui mène directement à la mort : la sienne (d’où le titre).

 

Et les amoureux ? (Georges Poujouly et Yori Bertin) Ce sont les jouets du destin. C’est l’occasion qui fait qu’il  vole la voiture de l’homme. Elle n’est pas d’accord, mais elle est jeune et elle l’aime, alors elle le suit. Elle le suit vers une autre fausse liberté qui se terminera comme pour l’homme de l’ascenseur, voire pire. Mais en volant la voiture, c’est l’homme de l’ascenseur qu’ils condamnent inéluctablement. Sa seule vraie porte de sortie, la voiture, sera le véritable instrument du destin : c’est elle qui les perd tous, à  chaque fois au mauvais endroit, au mauvais moment.

 

Louis Malle réussit un magnifique film sobre, avec un beau noir et blanc terrible. L’atmosphère, comme les âmes des personnages, est noire, soutenue par la musique (et la trompette) de Miles Davis, sobre, épurée, et mélancolique comme la femme sous la pluie.

 

Superbe.

 

PS : des seconds rôles qui s’épanouiront dans la décennie suivante, citons Jean-Claude Brialy, Charles Denner, et l’incontournable Lino Ventura, en flic, au jeu - là encore - sobre.

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