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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Western, #Elliot Silverstein
Un Homme nommé Cheval (A Man called Horse - Elliot Silverstein, 1970)

Que de chemin parcouru par le cinéma américain !

Finis, les méchants Indiens sauvages qui attaquent les gentils blancs civilisés ! Voici le temps des films à la gloire de ceux qui plus que tous les autres sont les véritables Américains.

1970 verra en outre un deuxième film à la gloire de ces mêmes Indiens en décembre avec le magnifique Little big Man.

Mais alors qu’on note une pointe d’ironie dans le film d’Arthur Penn, il n’y en a aucun ici, le film étant avant tout un témoignage brut de coutumes indiennes dont le Vœu au Soleil (Vow to the Sun) : l’initiation du guerrier sioux.

Dès le début, un intertitre nous précise que ce rite a été interdit à partir de 1800 par le gouvernement des Etats-Unis. On peut d’ailleurs se poser la question de l’effet de cette interdiction sur la population indienne.

 

Toujours est-il qu’ici Elliot Siverstein, en adaptant le roman de Dorothy M. Johnson, nous propose un film totalement en décalage par rapport aux codes habituels du western. Certes, ce genre semble arrivé à son crépuscule (1) et les codes mis en place par les grands maîtres du genre ont été bousculés, mais enfin un film ne traite que des Indiens, ce qui est une découverte en 1970.

 

Certes, les mentalités avaient évolué même chez Ford qui nous gratifia de quelques chefs-d’œuvre, mais à chaque fois, la présence de l’homme blanc est inévitable et dirige d’une certaine façon le film.

Ici, les seuls visages pâles qu’on trouve sont John Morgan (Richard Harris) et sa suite : Joe Maddock (Dub Taylor) un trappeur partiellement édenté et ses deux acolytes alcooliques (James Gammon & William Jordan).

 

Mais dès les premières minutes, la différence se fait : par la force, mais surtout par la technique.

En effet, alors que les trappeurs sont frustes et bruyants (boire ne favorise pas beaucoup la discrétion), les Indiens sont d’une discrétion impressionnante : le seul bruit qu’on perçoit à peine est celui des flèches pénétrant les corps. Nous assistons alors à une sorte de ballet silencieux pendant lequel les Sioux se débarrassent des visages pâles et se servent dans le matériel restant, emmenant Morgan, traîné par une laisse passée à son cou.

Ce qui vient ensuite, c’est la progression de John dans ce campement.

 

Mais cette progression est avant tout spirituelle : alors qu’il se considère comme le summum de l’évolution (2), il va découvrir puis adopter les coutumes de ceux qui l’ont capturé, jusqu’au rite indispensable pour devenir l’un d’eux : le Vœu au Soleil.

Ce moment est très intense, c’est celui que le spectateur attend depuis le premier plan : un homme face au soleil levant égrenant une mélopée.

Ce rite est on ne peut plus spectaculaire – bien entendu très cruel et on comprend aisément son interdiction - John se retrouvant soulevé de terre par des serres accrochées à sa poitrine, puis tournoyant dans l’air, pendant que les braves de la tribu apprécie cet exploit.

Mais si les Indiens ne sont plus ces sauvages assoiffés de sang, ils n’en demeurent pas moins des hommes et la guerre leur est coutumière : on a alors un combat violent entre la Sioux et les Shoshones, amenant ruine et désolation pour tous, et après le deuil fait, une nouvelle ère pour la tribu.

 

Il y a dans ce film un véritable objectif documentaire et si la plupart des rôles principaux sont interprétés par des blancs, aucun n’a les yeux bleus, sauf Batise (Jean Gascon), pour une raison pertinente, ce qui change de certains films précédents. Jean Gascon est prodigieux dans ce rôle d’interprète malgré lui, tout en étant le fou de la tribu, rôle important s’il en est.

Comme dans d’autres films avant celui-ci, de véritables Indiens on participé au film, donnant une véritable portée réaliste au film. Mais en plus, alors qu’on aurait pu aisément faire parler les Indiens dans un langage pidgin – comme disent les Britanniques – seuls Morgan et son interprète Batise parlent l’Anglais, tous les autres s’exprimant exclusivement dans le dialecte sioux.

Autre interprète remarquable : Dame Judith Anderson. Celle qui fut la terrible Mrs Danvers dans Rebecca est ici la mère du chef Yellow Hand (Manu Tupou), qui reçoit de son fils John Morgan, qui sera un cheval pour elle (3) comme il le fut pour ce même chef et ses hommes qui l’ont capturé, transportant sur son dos le tissu de leur butin.

 

Dernière chose enfin, un tel film ne pouvait avoir lieu dans les décennies précédentes : il y a un rapport explicite à la nudité qui était impitoyablement combattue par le Code Hays et ses bigots. Non seulement on peut voir des corps nus, mais à chaque fois avec une véritable pudeur, ces corps – celui de John Morgan et de sa compagne Running Deer (la très belle Corinna Tsopei) – sont montrés sans aucun effet de voyeurisme, plus dans le même souci documentaire que le reste du film.

 

Un film, quoi qu’on en dise, inoubliable.

 

 

  1. C’est un crépuscule qui n’en finit pas si on regarde la production cinématographique : le Western n’est toujours pas mort ! (Et c’est tant mieux !)
  2. C’est un Anglais que diable !
  3. D’où le titre.
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