1967.
Jefferson Airplane sort le hit Somebody to love (1). C’est d’ailleurs ce titre qu’écoute Danny Gropnik (Aaron Wolff) pendant un cours en hébreu, avant de se voir confisqué sa radio et son écouteur auriculaire.
Danny est le fils de Larry (Michael Stuhlbarg), professeur de physique en attente de titularisation dont la vie est en train de partir en morceau : sa femme Judith (Sari Lennick) veut le quitter pour Sy Ableman (Fred Melamed), mais dans une procédure de divorce rituelle, et son frère Arthur (Richard Kind) est un inadapté social aux activités répréhensibles (dans certains états).
Autant le dire tout se suite : à part Michael Stuhlbarg, qui est formidable comme beaucoup des interprètes, peu de personnalités connues des cinéphiles. Cet anonymat relatif amène d’ailleurs une plus grande force au propos du film : l’intrigue – confuse et absolument absurde – y gagne en réalisme, et Larry en désespoir !
Bref nous assistons encore une fois à une intrigue à l’humour noir et décalé des frères Coen, toujours en grande forme, et où chaque détail a son importance, le titre du J.A. (voir plus haut) en étant une des clés de voute.
Le film s’ouvre sur un épisode en yiddish qui voit un homme rentrer chez lui avec sa charrette : on imagine aisément un village de l’Europe de l’Est où les Juifs sont rassemblés et vivent en intelligence, partageant leurs joies et surtout leurs peines. Il y est question d’un rabbin qui est mort pais que notre homme a vu et invité chez lui…
Si cet épisode d’introduction rappelle Un Violon sur le toit, là encore, il ne faut pas en minimiser la portée : si l’intrigue moderne se situe aux Etats-Unis, le quartier où vivent Grobnik et sa famille est essentiellement constitué de familles juives, envoyant leurs enfants à l’école juive et se retrouvant régulièrement à la synagogue.
Seule tache dans ce quartier, le voisin de Gropnik, Brandt (Peter Breitmeyer), pur produit de la culture américaine : échange des passes de baseball avec son fils Mitch (Brent Braunschweig) ; emmène ce dernier à la chasse plutôt qu’à l’école et revient avec un renne sur son toit de voiture ; tond scrupuleusement sa pelouse, empiétant d’ailleurs sur celle des Gropnik (2).
Bref, c’est un véritable embrouillamini qui se développe aux dépens de Larry qui rencontre de nombreuses personnes censées l’aider mais qui ajoutent à la confusion et achèvent de le noyer dans ses ennuis qui vont du divorce à la corruption de fonctionnaire, avec en prime une campagne de calomnie pour empêcher sa titularisation.
Les différentes rencontres avec les tenants de la religion (3), celles qui sont censées être les plus à même d’aider Larry se soldant par trois échecs, le dernier d’entre eux refusant d’ailleurs de le recevoir, trop occupé à « penser » (4). Chacun d’eux a son domaine de prédilection et surtout ses propres références : le parking du rabbi Scott et les dents gravées de Nachtner amenant un humour des plus savoureux.
De plus, Michael Stuhlbarg est formidable dans ce rôle d’homme qui doute, balloté de Charybde en Scylla, jouet du destin ou plutôt de « Hashem », et ce pour notre plus grand plaisir.
Et quand tout semble se résoudre, le destin frappe une nouvelle fois : mais c’est là que se termine le film…
PS : nous savons aussi pourquoi il est sur le toit et surtout ce qu’il regarde.
- Par contre, pour Abraxas de Santana, il faudra attendre 1970…
- Je vous laisse découvrir une autre intervention de ces deux « Américains », près de la frontière américano-canadienne.
- Ces trois rabbins représentant les trois âges de l’homme : rabbi Scott (Simon Helberg) la jeunesse ; rabbi Nachtner (George Wyner) la force de l’âge ; et le dernier rabbi Marshak (Alan Mandell) la vieillesse.
- Doit-on voir le fruit de ses réflexions dans sa rencontre avec Danny dans le cadre de sa Bar Mitzvah ?