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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Guerre, #Yves Boisset
Allons z'Enfants (Yves Boisset, 1981)

Simon Chalumot (Lucas Belvaux) aurait pu être un jeune homme comme les autres. Malheureusement pour lui, son père (Jean Carmet) est revenu de la Grande Guerre et n’a rien trouvé de mieux que de l’inscrire dans l’école des Enfants de Troupe des Andelys (78). Tout d’abord parce que lui-même a fini au grande d’adjudant, et parce que ça ne coûte rien à la famille.

Seulement voilà : Simon Chalumot n’a pas demandé à être là. Pis : il déteste la guerre en règle général et l’institution qui l’abrite en particulier. Il faut dire qu’il y a de quoi : c’est un véritable ramassis d’abrutis et de sadiques, le sergent Billotet (Jean-François Stévenin) en tête. Il aimerait bien en sortir, amis une évasion est quasiment impossible et même le renvoi n’est pas envisageable : il est l’un des meilleurs élèves de sa classe (1).

Alors il ronge son frein, et est régulièrement puni. Mais un jour, tout cela sera fini et il pourra se consacrer à sa véritable passion : le cinéma.

 

Quarante ans (et quelques) après sa sortie, le film d’Yves Boisset n’a pas perdu de sa force et dénonce avec une extrême justesse certains dysfonctionnements de l’Armée Française (d’alors ?), qu’on appelle aussi « La grande Muette », avec justesse là aussi…

Il faut dire que le roman dont est tiré ce film est lui-même le récit – partiel – d’une expérience vécue par son auteur dans cette même institution, aux mêmes casernes que celles de ce héros singulier. Et Lucas Belvaux interprète avec beaucoup de conviction cet insoumis qui n’en a pas le statut (inconcevable en cette Entre Deux Guerres).

 

Et encore une fois, si Belvaux brille dans ce rôle, c’est aussi parce que ceux qui l’entourent sont à la hauteur de l’enjeu, et en particulier les militaires : de Billotet au commandant Félix (Jean-Pierre Aumont) en passant par les redoutables Maryla (Jean-Claude Dreyfus) et Veillard (Bernard Bloch), c’est une série de portraits peu flatteurs pour cette institution qui avait le vent en poupe à cette époque. Non seulement on y croise des imbéciles crasses, mais on y découvre aussi des façons de faire qui elles, ont perduré (2) et se sont transmises de générations de militaires en générations de militaires et dont certains appelés ont des souvenirs peu enjolivés. Entre la violence de Billotet et les brimades de Veillard, nous avons un magnifique panel des pratiques militaires françaises traditionnelles…

 

Bref, c’est un sujet sur mesure pour Yves Boisset, réalisateur pas toujours très délicat mais très engagé, comme il l’avait déjà montré lors de son précédent film « de guerre » : RAS. Encore une fois, l’armée en prend – logiquement – pour son grade (Hé ! Hé ! Hé !) et si, comme moi, on n’a pas la fibre militaire, ce n’est pas un film qui va réconcilier avec ce corps d’Etat.

Et si on veut faire front avec Chalumot contre cette situation injuste et insoluble, c’est parce que Boisset a su choisir ses interprètes – beaucoup de seconds rôles – à la hauteur de ce qu’il voulait en tirer. Carmet est encore une fois phénoménal dans ce père nostalgique qui envoie son fils au canon avec un enthousiasme inaltéré malgré son entourage – le voisin de son frère ou le patron de bistrot (Jean-Marc Thibault), tous deux de farouches anti-militaristes. Il campe un autre abruti et pas des moindres, malheureusement pour Simon, Chalumot est à la fais la raison de sa présence dans cette institution, tout comme la raison de son maintien : se faire « trouer la peau sur le Chemin des Dames » a ses petits avantages…

 

Et les pires (sous-)officiers qu’on va rencontrer sont ceux de Tulle (Maryla & Veillard) : il y a en plus chez une forme de sadisme qu’on ne trouve pas chez Billotet qui est un abruti fini. Ces deux Tullistes, avec leur maréchal des logis, résument à eux trois tous les défauts – on ne peut plus condamnables de l’armée française en général : entre les mauvais traitements, le jeune qui meurt en tombant d’un pont d’exercice et celui qui tente de se suicider, le capitaine Maryla fait tout ce qu’il faut pour couvrir ses hommes, les aidant le cas échéant à rédiger leur rapport relatant les événements.

Bref, des personnages abjects.

 

Et les femmes dans tout ça ? Elles ne sont pas nombreuses mais bien représentatives de la société française de la période : entre Zézette (Florence Pernel), sa fiancée qui ne rêve que de le voir officier et sa mère, Simon ne doit compter que sur lui-même pour s’en sortir. Et puis il y a sœur Béatrice (Eve Cotton). Elle est jeune et sensible au charme (involontaire) du jeune homme qui se rétablit à l’hôpital. Mais elle est le seul élément féminin positif qu’il rencontre puisque l’action de Béatrice est très vite effacée par celle de la mère supérieure, véritable dragon de vertu chrétienne. Bref, une autre personne peu recommandable qu’on a plaisir à détester.

 

Au final (3), c’est un film formidable que nous propose Yves Boisset, avec des images fortes, bien entendu, mais qui sont le véritable reflet de ce que ces jeunes garçons – « la France de demain » – ont pu vivre pendant ces classes interminables. Certains s’en accommodaient très bien. Pour les autres…

 

Pour les autres, je citerai Simon Chalumot : «  Je déteste la guerre ».

 

PS : l’intervention finale de Jean-Pierre Kalfon (Mazardière) conclut superbement le film…

 

  1. Terme on ne peut plus approprié !
  2. Je n’ose croire que cela continue…
  3. « Subséquemment », comme ils disent…
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