Bienvenue à Narraport-by-the-Sea, charmante localité balnéaire (imaginaire), où les riches se retrouvent pour parler affaires, comparer leurs fortunes et surtout s’ennuyer.
C’est le cas de la jeune (et belle) Geraldine Hicks (Jewel Carmen), fille de Leander (C.A. de Lima), roi de l’épingle à chapeau (1). Elle s’ennuie tellement qu’elle embrasserait le premier venu ! Et le premier venu, c’est un entomologiste venu rechercher quelque spécimen rare : Cassius Lee.
Mais Cassius ne sait pas que c’est une plaisanterie. Et il tombe amoureux d’elle. Fatale erreur : un autre riche s’intéresse à elle, le roué Percy Horton (Albert Parker). Roué parce qu’il prépare des activités criminelles sous couvert d’une laiterie…
Si le titre original parle d’aristocratie américaine, il faut plutôt comprendre cela comme ploutocratie, américaine : ces aristocrates sont avant tout, comme le présente l’intertitre d’introduction, de gros industriels qui ont fait fortune avec des accessoires pas toujours indispensables, comme le vieux Hicks, ce que confirmera la toute dernière séquence…
Il est clair que ces riches Américains se conduisent comme des aristocrates, se mêlant seulement entre eux et refusant ceux qui ne leur ressemblent pas. Et cela va aussi pour les nouveaux riches – les parvenus du titre français ? – qu’ils regardent de haut. On a une très belle illustration de cette différence (voire différenciation) avec la femme qui arrive de Milwaukee (Wisconsin) : son mari est dans la bière et a fait fortune grâce à sa « brasserie » ; les autres, qui sont aussi dans l’alcool, « distillent »…
Alors : une jeune fille/femme qui s’ennuie dans son milieu très huppé, une « provinciale » parvenue qu’on bat froid parce qu’inférieure, un jeune homme qui va apporter de la joie et de l’excitation, ça ne vous rappelle rien ?
Oui, quatre-vingts ans avant James Cameron, Lloyd Ingraham dresse un portrait peu flatteur de ces « aristocrates » qui s’ennuient et surtout nous ennuient. Mais Ingraham a choisi la comédie – dramatique, tout de même – pour les fustiger, et surtout, la présence de Douglas Fairbanks va beaucoup compter pour faire évoluer les choses.
Certes, Cassius n’est pas un pauvre, même s’il connaît un revers de fortune : il a un serviteur – noir, il arrive de Virginie – et son occupation n’est pas spécialement considérée (par les intertitres) comme un véritable métier.
Et comme Fairbanks est là, c’est aussi une nouvelle occasion pour l’acteur de nous montrer sa forme physique. C’est donc un entomologiste bien singulier qui nous est proposé puisqu’il ne recule devant rien pour attraper sa proie : saut, roulade, escalade d’arbre… Tout est prétexte à bondir, pour notre (enfin, mon) plus grand plaisir. Même sa façon de s’asseoir sur un banc est acrobatique.
Et encore une fois, Fairbanks va au-delà des préjugés de son époque.
En effet, son serviteur est noir mais il y a un lien très fort qui les unit : Cassius n’hésite pas à le prendre dans ses bras, voire à l’embrasser sur les joues.
Mais, malgré tout, le racisme reste présent. Si Percy Horton est le méchant patenté de cette histoire, il est tout de même accompagné par un homme présenté comme un « dark-skinned foreigner », un étranger à la peau foncée, dont les idées sont en totale accord avec sa couleur.
Encore une fois, c’est le « mal blanchi » qui est le méchant, et ici, c’est le Mexicain Delgado (Artie Ortego).
PS : les méchants de cette intrigue sont appelés flibustiers (« filibusters »). Et quelques années plus tard, Albert Parker tournera un vrai film de flibuste avec le même Douglas Fairbanks, qui bondira encore plus (et mieux !) : Le Pirate noir.
PPS : je suppose qu’il vous fait penser à la même personne que moi, à la fin, Fairbanks.
PPPS : Au fait,vous avez vu Douglas Fairbanks Jr. ? C’est lui qui amène le journal, au début !
- Comme le disent les intertitres, il a inventé un moyen de maintenir le chapeau sur la tête des dames, attaché à leurs cheveux : la bosse. Le moyen en lui-même sera montré pendant le bal.