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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Guerre, #Drame, #Irvin Willat
Sublime Infamie (Behind the Door - Irvin Willat, 1919)

Le capitaine Krug (Hobart Bosworth) a quitté la mer pour s’installer comme taxidermiste à Bartlett (Maine). Pourquoi ? Il est amoureux de la belle Alice Morse (Jane Novak), la fille du potentat local (J.P. Lockney), banquier de son état. Ce dernier refuse cette union et va profiter d’un élément important pour se débarrasser de cet homme encombrant : la déclaration de guerre (nous sommes en 1917).

En effet, Krug étant un nom allemand, les habitants de Bartlett ont rapidement effectué le raccourci que Krug est un Hun et qu’il faut s’en débarrasser.

Mais la bravoure de Krug, une fois démontrée, empêche un lynchage en règle et ce dernier, accompagné d’autres, va partir combattre les « vrais » Allemands.

 

Encore une fois, les traducteurs français se sont surpassés ! Au-delà de la dichotomie, c’est l’aspect racoleur que je réprouve : le titre original (Derrière la Porte) donnait une dimension mystérieuse autant que prémonitoire à cet accessoire indispensable. Parce que des portes, il y en a dans ce superbe film d’Irvin Willat.

  • celle qui protège Krug de ces concitoyens en colère ;
  • celle qui voit Alice pénétrer dans son atelier ;
  • celle qui cache cette dernière dans le bâtiment militaire ;
  • celle que referme l’infâme commandant de sous-marin allemand (Wallace Beery), abandonnant Krug à un sort cruel…

J’arrête là cette énumération exhaustive sans toutefois oublier celle qui donne son titre (original et français) au film, sommet de l’horreur (1) cinématographique en 1919 !

 

La date de sortie du film a son importance parce que Willat situe son film dans le futur : nous sommes en 1925. Il s’agit donc d’un grand flash-back où nous comprenons pourquoi son retour : six ans se sont écoulés (dans le film comme dans la vraie vie) et la boutique de taxidermie est devenue la cible des jets de pierres des enfants. Bien sûr, c’est cette « sublime infamie » qui est la cause de cette déchéance.

Et si le date annoncée en ouverture paraissait étonnante pour un film de 19, la résolution de l’intrigue (ce qui est derrière la porte) nous explique pourquoi Krug revient « seulement » de la guerre à cette date tardive, de même que le dialogue (muet, cela va de soi, mais sans intertitre explicatif) avec les enfants qui vont malgré sa présence casser un des rares carreaux encore fixé.

 

Avec ce film, Irvin Willat – réalisateur oublié aujourd’hui – nous démontre qu’il savait faire des films et celui-ci possède de véritables atouts esthétiques dignes des plus grands maîtres du cinéma. Les différentes prises de vue de Blount & Taylor sont admirables, soulignées par une utilisation pertinente de la lumière (et donc de l’ombre) : la résolution de cette infamie sera d’ailleurs la projection d’une ombre sur cette ultime porte, la suggestion amenée par l’intertitre suivant faisant le reste. On notera aussi le très bel éclairage qui accompagne le retour de Krug dans son atelier, accentué par la teinte donnée à la pellicule qui baigne les différentes séquences du film.

 

Et si le film est superbe, c’est aussi grâce à sa distribution et surtout l’interprétation impeccable d’Hobart Bosworth. Son regard clair est exploité avec beaucoup de pertinence : alternant la douceur et la dureté, il rend ce personnage plus complexe que prévu. Et la confrontation avec Wallace Beery le voit modifier sans cesse ce regard, passant de la bienveillance à la colère avec beaucoup de bonheur, sans tomber dans l’excès, accentué par des plans de coupe qui trahissent les véritables sentiments que lui inspire le véritable personnage infâme du film.

 

Un film à (re)découvrir : une de ces pépites dont le cinéma muet – un tantinet méprisé parce que muet (2) – est riche, démontrant – une fois de plus – qu’il ne se réduisait pas à des coups de pied au derrière et/ou des tartes à la crème (3).

 

 

  1. Suggérée, bien sûr !
  2. Et en plus, c’est en noir et blanc !
  3. Cela ne m’empêche pas de bien aimer aussi cet aspect burlesque. Rappel : « Un coup de pied, quand il est bien donné, peut faire rire le monde entier » (Jacques Prévert).
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