Edward Bloom (Ewan McGregor quand il est jeune, Albert Finney quand il est vieux) ne séduit pas, il envoute. Il a toujours une anecdote pour chaque moment de sa vie. Alors on l'écoute, et on se prend à rêver.
Pour son fils Will (Billy Crudup), c'est avant tout un baratineur. Il faut dire qu'il n'était pas là pour sa naissance, alors ça donne un motif de fâcherie. Et puis ses histoires, il les a tellement entendues qu'il s'en est lassé.
Mais maintenant, Edward est en train de mourir, et Will se dit qu'il serait temps de faire la paix. Même s'il faut pour cela l'entendre à nouveau narrer ses aventures abracadabrantesques.
Il se rend avec sa femme Joséphine (Marion Cotillard), qui elle, ne connaît pas toutes ces histoires...
Alors Edward raconte, une dernière fois, et nous spectateurs, découvrons ce monde (presque) fabuleux qui nous emmène de Ashton, Alabama à... Ashton Alabama. Mais en passant par Le Japon et la mystérieuse ville de Spectre où il n'était pas attendu si tôt ; rencontrant une sorcière (Helena Bonham Carter), Karl - un géant - (Matthew McGrory), Amos - un directeur de cirque - (Danny deVito), Jing & Ping - des siamoises - (Ada & Arlene Tai), et bien sûr celle qui sera sa femme : Sandra (Alison Lohman quand elle est jeune, Jessica Lange, quand elle est âgée).
Toutes ces histoires sont des prétextes. Prétexte à raconter pour Edward, prétexte à se fâcher pour Will. Mais Will n'a pas encore compris que son père ne vit qu'e par et pour ses histoires. Pour Will, c'est un tissus de mensonges sans cesse développé, renouvelé, embelli. Il ne supporte plus les élucubrations de ce père à l'imagination débordante. Mais pour Tim Burton, un personnage pareil est une aubaine. Son imagination débridée lui permet un véritable feu d'artifices d'images et de couleurs, dans des décors trop bien arrangés pour être vrais.
Mais c'est aussi l'occasion de s'arrêter sur les relations familiales entre un père encombrant et un fils avide de vérité quant à ses racines.
Les enfants ont toujours cette peur d'avoir été abandonnés à la naissance et adoptés par une autre famille. Ils ont besoin d'être rassurés, d'être confortés quant à leurs réelles racines. Et Edward n'est pas un parent très rassurant, racontant chaque épisode de sa vie antérieure comme s'il s'agissait d'une superproduction hollywoodienne, où tout s'enchaîne en dépit de la vraisemblance. Peu importe la vraisemblance, d'ailleurs, pour Edward, qui semble avoir fait sienne la citation de Boris Vian : « Cette histoire est entièrement vraie puisque je l'ai imaginée d'un bout à l'autre. »
Et comme toujours dans ces cas-là, cette réalité virtuelle a une base très réelle. Il a suffi à Edward de grossir très légèrement sa réalité pour la rendre féérique.
Mais finalement, ne faisons-nous pas tous un peu comme Edward ? Quand nous racontons une (més)aventure qui nous est arrivée, n'enjolivons-nous pas la réalité (à notre profit, bien sûr) ?
Et pour Edward, raconter sa vie de cette façon, n'est-ce pas finalement faire preuve d'une forme d'altruisme : en sublimant la réalité pour son auditoire, ne la rend-il pas un peu plus facile à affronter, voire à supporter ?
Quant au gros poisson du titre, il est là. Tout le temps.
Il suffit d'ouvrir son esprit, et il apparaîtra. Tout d'un coup.