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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Richard Brooks
Graine de Violence (Blackboard Jungle - Richard Brooks, 1955)

« 1, 2, 3 o’clock, 4 o’clock, rock ! »

 

Un tableau noir (1) où s’écrivent les éléments du générique pendant que Bill Haley (et ses Comets) chante ce qui est devenu l’un des plus grands standards du rock’n’roll. La raison de cette chanson ? C’est bien connu (en 1955), le rock est « une musique de sauvages, prétexte à tous les débordements, et ceux qui écoutent cette musique – si on peut qualifier ces éructations de musique – sont des voyous en devenir, s’ils n’en sont pas déjà. »

Et les intertitres de présentation nous ont prévenus : ce que nous allons voir concerne la délinquance juvénile.

Richard Dadier (Glenn Ford) vient d’être embauché dans un lycée de New York (North Manual High School) situé dans un quartier pauvre. Les élèves n’y sont pas intéressés par ce qu’on y enseigne et certains d’entre eux trouvent plus d’intérêt à monter des petits coups, lucratifs mais surtout illégaux. Ces véritables voyous sont menés par Artie West (Vic Morrow), qui va harceler son professeur, allant jusqu’à user de violence à son encontre.

 

C’est un film sans concession que nous propose ici Richard Brooks, traitant avec justesse et réalisme un problème de société, à mon avis insoluble. Et Brooks n’a pas de solution à nous donner, ce n’est pas son affaire. Par contre, il réussit à nous dresser le portrait d’une jeunesse à la dérive, née avant la guerre, livrée à elle-même. Parce que les grands absents de ce film, ce sont les parents. Il n’est quasiment pas fait référence à eux et même on n’en voit aucun. Et les rares fois où Brooks va sortir de l’école, c’est pour nous montrer des exactions où la violence est omniprésente. Mais cette violence ne se contente pas d’occuper la rue : elle est entrée dans l’école et la séquence finale monte en intensité jusqu’au basculement irréversible : un couteau à cran d’arrêt que West sort dans la classe.

 

Irréversible parce que West ne peut plus simuler : il entre officiellement dans l’illégalité. C’est aussi le moment du choix pour ses autres « camarades » de classe : le suivre ou suivre le professeur. Bien sûr, le choix va être favorable au professeur  il n’est pas question de noircir le tableau – qui l’est déjà assez, dans tous les sens du terme – et il faut tout de même laisser un peu d’espoir aux spectateurs. Mais malgré tout, un élève comme West est un échec pour le système éducatif. Et l’horizon qui s’ouvre (!) à lui (après la fin du film) va comporter beaucoup de barreaux…

 

Graine de Violence se situe dans une année marquée par l’adolescence au cinéma : quand le film est présenté, c’est dix jours après A l’Est d’Eden, et La Fureur de vivre va bientôt arriver sur les écrans. Même en France, Delannoy nous gratifie d’un Chiens perdus sans Collier dans la même verve. Mais Brooks va encore plus loin dans le traitement de la violence, omniprésente tout au long du film. Dans les faits, bien sûr, mais aussi dans les mots : issus d’origines géographiques très différentes, les élèves n’hésitent pas à s’invectiver en usant de termes péjoratifs relatif à cette origine. Bien qu’américains, c’est avant tout cela qui les définit.

 

Et on retrouve là l’idée du creuset (melting-pot) qui est l’une des bases de ce pays : c’est de la diversité (ethnique, géographique…) que naît la richesse et tous ces personnages se rassemblent autour d’un même drapeau. Et ce drapeau n’est pas seulement un élément de décor. Outre l’aspect emblématique évoqué ci-dessus, c’est ici un accessoire hautement symbolique : c’est avec lui que Santini (Jamie Farr) va clore définitivement l’affrontement final, tel un chevalier s’élançant dans un tournoi, lance en avant.

 

Oui, il reste de l’espoir quand le film se termine, mais au final, la violence est toujours présente dans les écoles (pas dans toutes, fort heureusement), aux Etats-Unis et ailleurs. Et en plus, maintenant, des élèves ont des armes à feu qu’ils n’hésitent pas à utiliser contre ceux qui furent leurs camarades.

 

  1. Le titre original : la Jungle du tableau noir.
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