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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Biopic, #Drame, #Spike Lee
BlacKkKlansman (Spike Lee, 2018)

Ron Stallworth (John  David Washington, le fils de Denzel), jeune recrue, arrive à la police de Colorado Springs. S’il a été engagé, c’est aussi, et surtout, parce qu’il est noir.

Après un passage aux archives, il est envoyé sur le terrain en infiltration. Il rejoint alors Flip Zimmerman (Adam Driver), Jimmy Creek (Michael Buscemi, le frère de Steve) et le sergent Trapp (Ken Garito) qui les dirige.

Alors qu’il consulte le journal, il tombe sur une annonce du Klan : par jeu ou par sens de la provocation (ou autre ?), il appelle et se retrouve alors en bonne position pour devenir membre de cette terrible « organisation ».

Le seul problème : il est noir.

 

Comme l’annonce l’affiche, il s’agit d’une histoire vraie, celle de ce policier qui infiltra le triple K, avec l’aide de son équipe : les rencontres avec les membres ne pouvant avoir lieu avec Stallworth, c’est donc Zimmerman qui s’y rend, donnant alors le change à ces racistes ô combien dangereux.

Au début, cela semble relever de la gageure, voire de la plaisanterie. Mais rapidement, Stallworth rentre dans le jeu et convainc ses collègues.

C’est donc une descente dans ce milieu des plus malsains où les hommes et les femmes sont inégaux, et où la haine est de mise. Haine anti-noir tout d’abord et antijuive ensuite.

Et Spike Lee ne fait pas dans la demi-mesure (1), nous présentant froidement cette organisation néfaste : ses membres et surtout ses idées, exposées régulièrement par celui qui était leur chantre : David Duke (Topher Grace).


Et cette descente en enfer va définitivement éliminer l’élément comique original. Cette infiltration n’a rien de drôle : au contraire, les deux policiers sont constamment en danger – Zimmerman surtout – au milieu de ce groupuscule de ravagés qui sont en outre armés.

Mais alors qu’on a l’habitude de voir de la violence dans les films de Spike Lee, ici, pas une seule fois ces Américains dits « supérieurs » ne recourent à la violence physique : ce sont plus des échanges oraux entre les membres ou encore les réflexions de Stallworth qui nous intéressent ici. Il faut dire que le discours nauséabond de Duke est suffisamment violent pour éviter d’avoir en prime des images chocs.

Mais ces images ne nous seront pas épargnées : une fois l’intrigue terminée, Spike Lee termine sur ce qui faisait partie de l’actualité du film : Charlottesville. Et en particulier l’attaque à la voiture-bélier qui fit une victime, dans le cadre des manifestations des suprémacistes blancs qui protestaient contre l’enlèvement de la statue de Robert Lee, le célèbre héros du Sud.

 

Ce rappel historique est des plus pertinents quand il s’agit de parler du Klan : c’est au sortir de la Guerre de Sécession qu’est né cette organisation comme on peut le voir dans deux films-phares américains : Naissance d’une Nation et Autant en emporte le Vent. Ce n’est pas non plus un hasard si ces deux films sont cités ici : le film s’ouvre sur Atlanta et ses blessés pendant que Scarlett O’Hara (Vivien Leigh) recherche le docteur Meade. L’autre est projeté après la cérémonie d’intronisation des nouveaux membres (1).

Mais malgré la démonstration que représente ce film, nous sommes au cinéma, et Spike Lee mène son film de façon magistrale, réservant quelques grands moments d’émotion – c’est avant tout ce qu’on recherche dans une salle obscure, non ? – tout le long du film.

 

Lee premier, c’est le discours de Stokely Carmichael/Kwame Ture (Corey Hawkins) où Lee insère des plans des visages attentifs, isolés sur fond noir, donnant une solennité à son discours qui, n’en déplaise aux policiers, n’est pas un véritable appel au meurtre : il s’agit juste de changer de point de vue et de se dire « Black is beautiful ».

Autre moment de grâce (non, je n’en fais pas trop !) : le récit par Jerome Turner (Harry Belafonte) du lynchage d’un jeune homme noir en 1916. La voix de Belafonte va nous hypnotiser et nous allons nous imprégner de ce qu’il raconte, de cette injustice raciste flagrante qui amena la mort de ce jeune homme coupable – semblait-il, mais je n’y crois pas du tout – de viol su une jeune femme blanche. Et Turner remet ce lynchage dans son contexte : l’année précédente avait vu le retour du Klan, grâce à la projection du film de Griffith déjà mentionné plus haut.

Mais ce qui donne encore plus de force à l’histoire que nous avons entendue, ce sont les photos qui ont été prises de ce triste événement, lançant crûment à nos regards les effets de ce genre d’auto-justice.

De plus, cette histoire se tient dans une séquence de montage parallèle : l’autre sous-intrigue concerne l’intronisation des nouveaux membres de cette société, accentuant la force de ce qui nous est raconté.

 

Si Spike Lee réussit à nous tirer un sourire lors de l’une des dernières interventions de Ron Stollworth, ce sourire disparaît très vite quand surgissent les images de Charlottesville. Cette histoire qu’on aurait pu croire enterrée dans les années 1970s retrouve toute son actualité dans les événements d’août 2017. Et la violence qu’on n’a pas vue pendant le film se retrouve pleinement étalée dans les extraits d’actualité : ces gens du Klan ne sont pas des orateurs mais bel et bien des personnes d’action, prêts à tout pour imposer leurs idées sordides.

A ces images sont ajoutées celles du président américain actuel qui ne semble pas beaucoup dérangé par ces citoyens particuliers, renvoyant les deux camps sans les distinguer ni exprimer une quelconque préférence. Abject.

 

PS : David Duke, en 2017, tient toujours le même genre de discours, comme le confirme la dernière séquence du film.

 

  1. En va-il autrement avec lui ?
  2. Et une première fois au tout début alors qu’on assiste à la répétition d’un discours haineux prononcé par le docteur Kennebrew Beauregard (Alec Baldwin) en 1957.

 

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