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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Comédie dramatique, #Erich von Stroheim
La Loi des montagnes (Blind Husbands - Erich von Stroheim, 1919)

Le docteur Armstrong (Sam De Grasse) retourne avec son épouse (Francelia Billington) à Cortina, au pied du Pinacle (Dolomites) pur y retrouver son ami Sepp (Gibson Gowland), le guide qu’il avait sauvé lors d’une expédition précédente. Mais s’y rend aussi le lieutenant von Steuben (Erich von Stroheim), dont les seuls intérêts sont le vin, les chansons, et bien sûr les femmes !

Et comme le Dr. Armstrong est ^lus intéressé par le lieu que par sa femme, cela laisse les coudées franches au jeune lieutenant qui fait une cour insistante et sans vergogne auprès de la jolie madame Armstrong : baratin, petits cadeaux et lettre enflammée…

Et au contraire du guide taciturne, le docteur semble ne rien voir (1)…

 

Ca y est !

Erich (von) Stroheim est passé derrière la caméra ! Lui qui a été un petit figurant et conseiller technique (militaire) auprès de Griffith avant d’interpréter les « sales Boches » pendant deux ans (Hearts of Humanity…), a enfin l’occasion d’offrir au monde (rien de moins) sa vison cinématographique. « Uncle » Carl Laemmle, grand patron des studios Universal  lui a donné sa chance, pour notre plus grand bonheur ainsi que celui de son service financier.

Il faut dire qu’avec le maître, Stroheim a été à bonne école, et son film est magnifique d’un point de vue cinématographique. Certes, l’intrigue est un tantinet convenue, voire prévisible, mais elle nous permet d’apprécier à sa juste valeur le talent de ce grand personnage qu’était le réalisateur.

 

Bien entendu, son rôle de méchant lui reste collé à la peau et von Steuben n’est pas beaucoup plus évolué que les « sales Boches » qu’il a pu interpréter plus tôt. Mais comme nous sommes en temps de paix, Steuben a quelques manières guindées qui en font son charme… Somme toute limité : « chassez le naturel… »

Steuben déjà, est un militaire et on retrouve la silhouette stricte que nous connaissons et qui hantera les films dans lesquels il va apparaître après (La grande Illusion, bien sûr), avec ce qu’il faut de caricatural pour aider (un tout petit peu) à nous le faire détester (2) : cigarette (sur cigarette), monocle, raideur… Mais à cela s’ajoute un aspect de séducteur irrésistible (qu’il pense être).

Bref, tout est là : il est le méchant patenté de cette histoire.

 

Mais malgré cette histoire de cornard annoncée, Stroheim nous prévient dès le début que si l’attitude du séducteur est répréhensible, celle du mari aveugle n’est pas à négliger : et Stroheim émaille la première partie de son film de petits détails (sa patte) pour étayer son propos : Mrs. Armstrong est délaissée et même la jeune mariée (Valérie Germonprez, future Mme Stroheim) demande à son tout nouveau conjoint (Jack Perrin) de ne jamais la traiter ainsi. Pire : Armstrong doit participer à une expédition de sauvetage et demande à Steuben de s’occuper de sa femme pendant ce temps !

 

Bien sûr, le mari va ouvrir les yeux, et il ne faut pas être devin pour imaginer l’issue fatale pour le vil séducteur. Mais là encore, Stroheim glisse quelques (petits) détails très pertinents pour nourrir son intrigue :

  • Le couteau avec lequel Steuben voulait poignarder Armstrong va servir à les désencorder. Et c’est le docteur qui va couper – physiquement – le lien qui les réunissait, abandonnant le lieutenant à son sort au sommet du Pinacle ;
  • L’ombre qui apparaît sporadiquement sur le sol de ce même sommet est celle d’un oiseau de proie – un charognard – qui attend en tournant l’issue probable (et inévitable).

Le tout tourné dans un vrai décor de montagne (en Italie), afin d’accentuer le réalisme de cette histoire.

 

Et même si Stroheim n’a pas été convié au montage – déjà écarté ! – son film n’en demeure pas moins d’une très grande qualité : un grand cinéaste est né !

Malheureusement, sa personnalité ne va pas l’aider à réaliser tout ce qu’il aurait pu entreprendre.

Mais ceci est une autre histoire.

 

PS : Outre la rupture déjà évoquée ci-dessus, la première rencontre entre Steuben et Sepp est assez remarquable. A chaque fois nous avons un effet de caméra subjective qui se déroule comme un aller-retour complet. En effet, Steuben – le plus petit des deux – regarde Sepp des pieds à la tête alors que Sepp le fait de la tête aux pieds. La caméra monte puis redescend, accentuant alors les sentiments que peuvent exprimer ces deux personnages l’un de l’autre, une certaine animosité inévitable : d’un côté le mépris pour cet homme de basse extraction doublé de crainte du fait de sa stature ; de l’autre un mépris inconscient pour un homme qu’il sent animé de desseins peu ragoûtants.

 

  1. D’où le titre original : « Maris aveugles ».
  2. « The man you loved to hate » (l’homme qu’on aimait haïr) était le slogan qu’on lui appliquait…
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