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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Morgan Freeman, #Drame
Bopha! (Morgan Freeman, 1993)

Dans la langue zouloue, « bopha » signifie « arrestation », « détention ». Ces deux termes résumés en un seul indiquent une certaine logique verbale et physique : la détention suit l’arrestation, et arrêté ou emprisonnés, on n’est plus libre.

Et Morgan Freeman, en adaptant la pièce de théâtre de Percy Mtwa, rend magnifiquement l’interaction entre ces deux faces d’une même action : la privation de la liberté.

 

La nuit, aux alentours de Soweto. Un homme noir court, poursuivi par d’autres hommes de la même couleur. Attrapé, il est amené au milieu d’un cercle formé par ses poursuivants. On lui passe autour du cou un pneu rempli de chiffon, puis on les asperge (l’homme et les chiffons) d’essence avant d’y mettre le feu.
Puis quand le feu s’est éteint et que le jour s’est levé, on jette un dernier élément qui appartenait à l’homme brûlé : une casquette de policier.

 

Nous sommes en Afrique du Sud, quelques temps avant la libération de Nelson Mandela (1). A Maroko, qui n’est pourtant pas Soweto, le sergent Micah Mangena (Danny Glover) est membre de la Police Sud-Africaine (SPA), et vit avec sa femme Rosie (Alfre Woodard) et son fils Zweli (Maynard Eziashi). Zweli est étudiant pendant que sa mère travaille pour la femme du chef de la police locale.

Un jour, deux agents de la « branche spéciale » de la PSA débarquent à Maroko : De Villiers (Malcolm McDowell) et Retleif (Robin Smith).
Avec eux, le consensus qui semblait être de mise va voler en éclat, la violence s’installer et « Bopha ! » devenir le mot d’ordre de la police.

 

Mis à party la séquence – terrible – d’ouverture, on aurait pu croire que tout irait bien dans cette petite ville essentiellement composée de Noirs, les Blancs étant surtout quelques-uns des policiers.

Quelques-uns ? Parmi les forces de l’ordre se trouvent des hommes noirs qui ont été enseignés par le sergent Mangena. Alors quand les étudiants se révoltent et que la police est envoyée réprimer la contestation, on en arrive à ce douloureux paradoxe : des Noirs qui violentent d’autres Noirs au nom d’un régime inégalitaire et raciste.

On comprend alors mieux la séquence d’ouverture, et pourquoi des policiers furent tués pendant les années terribles de l’apartheid.

 

Un régime qui tire sur sa jeunesse n’est pas un régime en bonne santé, et on comprend que l’apartheid touche à sa fin, avec, malheureusement des violences policières intolérables mais justifiées par un régime moribond qui n’en est que plus dangereux, et donc meurtrier.

Danny Glover est encore une fois très juste dans le rôle de ce policier qui se réveille de la léthargie engendrée par une forme de lavage de cerveau qu’on appelle instruction militaire. Lui-même inculquait ces valeurs sécuritaires qui amènent l’immense tragédie que fut le régime ségrégationniste sud-africain.

 

Et comme toujours dans ces cas-là, c’est un incident qui met le feu aux poudres : un élève – Solomon (Michael Chinyamurindi) – qui refuse d’être enseigné en afrikaans, la langue des blancs d’Afrique du Sud – et décident de répondre en anglais.

La dernière demi-heure du film voit, avec la prise de conscience (trop) tardive de Mangena, une répression terrible, où consigne est donnée de tirer pour tuer. On n’est pas étonné de voir Releif appliquer sans hésiter cette consigne, mais on a tout de même du mal à comprendre qu’un policier noir tire sur un autre Noir, pour avoir osé refuser un régime inégalitaire et injuste.

 

Et quand la dernière séquence voit les familles et amis célébrer leurs morts, on comprend que ce système est arrivé à ses limites et que la situation devra changer et l’apartheid disparaître.

En attendant, alors que les funérailles se déroulent, on termine sur un plan des différents véhicules de la PSA, qui s’approchent inexorablement pour une conclusion qu’on imagine aisément très meurtrière.

 

En 1993, année de sortie du film, Nelson Mandela et Frederik de Klerk reçoivent le prix Nobel de la Paix. L’année suivante, Nelson Mandela devient le premier président noir d’Afrique du Sud.

 

Que de chemin parcouru !

 

PS : la rencontre entre Morgan Freeman et Danny Glover est aussi celle des deux Mandela : Glover fut Madiba dans Mandela, un téléfilm de Philip Saville (1987) ; Freeman l’incarnera dans Invictus de Clint Eastwood (2010)…

 

(1) 11 février 1990.

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