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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Science-Fiction, #Comédie dramatique, #Terry Gilliam
Brazil (Terry Gilliam, 1985)

Sam Lowry (Jonathan Pryce) est un doux rêveur. Sauf qu’il vit dans un monde plutôt déshumanisé et qu’il n’y a pas de place pour le rêve dedans.
Son rêve ? Il vole. Et il croise une jeune femme qui flotte dans l’air, recouverte d’un voile.

Enfin ça, c’est au début, quand tout va bien. Parce qu’à mesure que la situation de Sam va évoluer, son rêve aussi et dans le même sens, tournant de plus en plus au cauchemar.
 

Terry Gilliam n’est pas ce qu’on peut appeler un réalisateur prolixe, puisqu’en une quarantaine d’années on ne lui compte que 12 longs métrages. Mais à de très rares exceptions, ce sont des films de très bonne facture dont certains sont même inoubliables. Et Brazil est de ceux-là.

J’irai même plus loin en disant que Brazil est très certainement le film fondateur du cinéma de Terry Gilliam, débarrassé (presque) totalement de la période Monty Python (1). Certes, on retrouve une bonne dose d'absurde de cette époque, mais le côté foutraque a disparu, Gilliam semble avoir mûri.

Tout d’abord, et c’est la grande différence avec ses deux premiers films, il ne s’agit pas d’une comédie. L’histoire racontée ici est tragique et se base sur un postulat vérifié : on ne gagne jamais contre l’Administration.

Et Sam, qui est pourtant un membre de cette administration, aura beau tout faire pour la saper de l’intérieur, il n’y arrivera pas et elle restera toute puissante.

 

Mais Brazil, c’est aussi un magnifique hommage au cinéma, empruntant ici et là certains plans caractéristiques dont ceux de Stanley Kubrick lors de la présentation du service où travaille Lowry (Les Sentiers de la gloire) ou encore Eisenstein dans la séquence finale au Ministère de la Récupération de l’Information (2). Pour le reste, je vous renvoie à internet où on explique cela mieux que moi. J’ajouterai seulement que la rencontre de Sam avec le personnage du standardiste Dawson (Antony Brown) au ministère n’est pas ans rappeler celle de Jack Torrance avec Floyd dans la salle de bal dorée de Shining.

 

Pour le reste, on va trouver dans Brazil les bases des films qui vont venir, que ce soient pour certains interprètes (Jonathan Pryce, Charles McKeown, Jack Purvis…) ou certains plans qui seront repris plus tard : quand Sam est dans son bureau et que la caméra nous le montre en plongée annonce James Cole emprisonné dans L’Armée des 12  singes.

Mais surtout, il y a ce jeu qu’on retrouve presque toujours entre le rêve et la réalité. Ici, les rêves de Sam sont identifiables, et si nous avons parfois droit à une incursion dans la vie « réelle », elle ne s’explique que par le fait que Sam dort. Ce sera différent pour Parry qui vivra réellement ses cauchemars (The Fisher King).

Et bien sûr, l’un des moments les plus impressionnants est l’apparition des gratte-ciels dans la campagne anglaise. C’est absolument fabuleux. Et d’une manière générale, le travail des décors de John Beard et Keith Pain couplé avec les effets spéciaux de George Gibbs et Richard Conway donnent une dimension extraordinaire au film, rehaussé par l’utilisation de lieux existants qui accueillent parfaitement cette intrigue semi-futuriste (Marne-La-Vallée).

 

Et puis il y a 1984, le roman de George Orwell. Le film aurait certainement pu sortir cette même année, tout comme le film éponyme de Michael Radford, si le producteur Sid Sheinberg avait autorisé sa sortie plus tôt (3). Au lieu de cela, il sort un an plus tard, ce qui lui donne un aspect analogique avec le roman d’Orwell : 1985 est le titre d’un essai d’Anthony Burgess autour du roman d’Orwell et de celui de Huxley (Le Meilleur des mondes), dans lequel il termine par une réécriture de l’intrigue en prenant en compte des éléments mis à jour. Alors que George Orwell décrivait un monde qui ressemblait beaucoup à celui de 1948, Burgess pour sa part en tire une histoire beaucoup plus actuelle et peut-être plus effrayante.

Il en va de même pour le film de Radford et celui de Gilliam : Radford adapte le livre sans vraiment en sortir alors que Gilliam – et il l’explique lui-même – n’est plus en 1948 mais bien dans son temps, et ce malgré les nombreuses références visuelles des années 1940 : l’habillement des hommes (dont Sam) avec longs manteaux et chapeaux mous, l’intérieur de chez Mme Lowry (Katherine Helmond)...

Jusqu’aux militaires qui ne sont pas sans rappeler ceux qu’on pouvait trouver dans les systèmes totalitaires de la même époque, en particulier en Union Soviétique.

 

Donc Gilliam est sorti de sa phase Monty Python et sans pour autant oublier ses anciens partenaires, il propose un film basé essentiellement sur le rêve où la portée esthétique joue un très grand rôle.

Normal, avant il était dessinateur. Il a même travaillée chez MAD (4).

 

  1. Les amis sont toujours là : Michael Palin ici, Eric Idle dans le suivant…
  2. « Information  Retrieval» en VO qu’on a traduit dans le film par « Recoupement de l’information. »
  3. Je vous laisse découvrir le différend qui opposé Gilliam et ce monsieur sur IMdB ou ailleurs.
  4. Où a travaillé aussi un certain Harvey Kurtzman, immense scénariste de bandes dessinées et dont le nom apparaît ici dans le rôle joué par Ian Holm, avec un N en plus, toutefois. A propos de nom : l’autre chirurgien esthétique s’appelle Chapman (Jack Purvis). Comme Graham.
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