Glienicke Brück, Berlin. Ni ouest, ni est. Juste entre les deux. Février 1962.
Rudolf Abel (agent soviétique) croise Francis Powers (pilote américain). Chacun retourne dans son pays.
C’est l’aboutissement d’une histoire qui a duré cinq ans.
Cinq années pendant lesquelles le monde d’après la deuxième guerre mondiale est entré dans une nouvelle ère.
Pendant ces cinq ans, Castro a pris le pouvoir à Cuba, Kennedy a été élu et Stanley Kubrick a réalisé Spartacus (« Comprend qui peut, ou comprend qui veut… »). Mais surtout, en août 1961, Berlin a connu son Mur.
Et celui qui a mené les tractations pour cet échange était celui qui avait défendu Abel.
Parce que c’est là, le nœud du film.
1957. Jim Donovan (Tom Hanks) est avocat d’assurances. Malheureusement pour lui, son cabinet a été tiré au sort et a gagné l’insigne privilège de défendre l’indéfendable : Rudolf Abel, espion soviétique (Mark Rylance).
Il faut dire que tout le monde a en tête les époux Rosenberg. Même si les Américains sont sortis du maccarthysme depuis trois ans, la menace communiste est omniprésente, et le procès Abel n’est pas pour calmer l’opinion.
Puisqu’il faut un défenseur, et que Jim Donovan est un homme de principe, alors il va suivre l’affaire jusqu’à la Cour Suprême, envers et contre tous, même sa propre femme et ses enfants. Rapidement il devient un paria.
Mais le fait d’avoir sauvé Abel de la chaise électrique va surtout lui donner la chance de se « racheter ». Ce n’est pas à proprement parler une rédemption que cherche Donovan : il a défendu l’indéfendable, mais ne regrette rien. Il supporte l’hostilité jusque dans sa propre maison. Mais en devenant interlocuteur et par conséquent l’artisan de l’échange d’ « espions », il va amener cette sorte de rédemption.
Donovan est un véritable héros de Spielberg. Comme beaucoup, il se trouve dans une situation extraordinaire qui va changer sa vie, vers cette sorte de rédemption, qui si elle ne le sauvera pas obligatoirement, lui permettra une nouvelle vie meilleure. Il en va ainsi pour les héros de Spielberg. Sauf peut-être Indiana Jones, et bien entendu Peter Sandich dans Always…
Et si Donovan est un pur produit estampillé Spielberg, il n’en va pas de même pour Abel. Abel, c’est plutôt le personnage échappé de l’univers des frères Coen (ils ont coécrit le scénario avec Matt Charman). Cet espion flegmatique (d’un autre côté, Mark Rylance est britannique), que rien ne semble toucher ne cesse de répéter, quand Donovan lui demande s’il est inquiet : « qu’est-ce que ça va changer ? »
Et puis là encore, Spielberg nous montre qu’il maîtrise la reconstitution : de Brooklyn à Friedrichstrasse, nous plongeons avec délice dans cette période de chaude Guerre Froide. La mode, les voitures, la construction du mur, les tentatives de passage à l’Ouest, tout y est. Même les interrogatoires du KGB !
Un plaisir.