Quelqu'un poste une lettre. Le facteur la ramasse et l'apporte au centre de tri. Un avion décolle et l'emporte. Une autre factrice la dépose dans la boîte au lettre de Don Johnston (Bill Murray), informaticien qui vit dans une grande maison d'un quartier plutôt résidentiel.
Don Johnston est habillé d'un survêtement. Il vit seul, sur son canapé à écouter de la musique que lui sélectionne son voisin - et ami - Winston (Jeffrey Wright), lui-même détective à ses heures plus ou moins perdues.
Mais surtout, c'est un ancien Don Juan. Pas si ancien que ça, d'ailleurs, puisqu'il vit avec une jeune femme, Sherry (Julie Delpy). Mais Sherry en a assez de cet homme qui démarre au quart de tour quand une femme paraît. Alors elle s'en va.
Don se retrouve seul dans sa grande maison, assis sur son grand canapé, à écouter sa musique.
Il a alors le temps de lire son courrier, et surtout cette lettre sur papier rose, dans une enveloppe rose elle aussi.
Et là, comme on dit, sa vie bascule : il a un fils. Un fils de (presque) vingt ans.
Mais qui est sa mère ?
S'ensuit un road movie dans lequel Don, sous couvert de cynisme et de désabusion (comme dirait Nino Ferrer), va vouloir trouver ce fils. Il erre. De maison en maison, d'état en état. Et il va retrouver ces femmes qui ont meublé sa vie, vingt ans plus tôt. Elles sont cinq. Cinq occasions de mesurer le temps qui passe, inexorablement. C'est d'abord Laura Miller (Sharon Stone), une resucée de Charlotte Haze (Shelley Winters dans Lolita), dont la fille Lolita (Alexis Dziena) - l'allusion est on ne peut plus claire, surtout dans les adieux où elle porte le même bikini à pois - ne peut pas avoir de frère (« vous trouvez que j'en ai besoin d'un ? », lui demande-t-elle...). Puis c'est Dora (Frances Conroy), Carmen (Jessica Lange) et enfin Penny (Tilda Swinton). Mais à chaque fois, pas de garçon à l'horizon, même s'il y a presque toujours un panneau de basket devant la maison. Alors il revient chez lui. Pas plus avancé que quand il était parti.
Et c'est, bien entendu, parce qu'il est revenu de son périple que la solution s'offre à lui. Elle était là, chez lui. Elle attendait juste qu'il revienne. C'est un jeune homme qui porte la même veste de survêtement que lui. C'est un garçon pas très sûr de lui, pour qui sa mère est importante. Il ne semble pas avoir de père. Alors cet homme qui vient vers lui, ça peut sembler louche, mais il l'accepte. Et Don s'accroche à ce faible espoir.
Bill Murray est, comme d'habitude, formidable. Son personnage est un Don Juan qui vieillit et qui se retrouve en face de lui-même. Il parle peu, agit peu, et, malgré son attitude faussement désinvolte, est très intéressé par cette recherche. Tout est dans l'attitude. Et c'est là qu'on voit qu'on a affaire à un très grand acteur. Il n'a pas besoin d'en faire trop pour être compris. Magnifique.
C'est son passé que Don recherche. Et à travers ce passé, lui-même. Mais ce passé - ces femmes - a vieilli avec lui. Elles ont toute refait leur vie, avec plus ou moins de chance. Et ce qui est étonnant, c'est que même s'il veut retrouver ces anciennes conquêtes, ce sont malgré tout les jeunes femmes qui se retournent vers lui. Chacune - à l'aéroport, au cabinet médical, au magasin de fleurs, ou même la jeune Lolita - n'est pas insensible à l'aura que dégage ce séducteur sur le retour. Un peu comme si, au lieu de découvrir un fils, il découvrait de nouvelles possibilités. Possibilités qui ne se concrétisent pas, il est toujours en déplacement.
Et puis il y a cette fin évidente que le spectateur attend, et qui ne vient pas. C'est d'ailleurs au spectateur de se faire sa propre fin.
Celle pour Don est toute tracée. Mais ce n'est pas celle du spectateur : tout est ouvert.
A-t-il retrouvé son fils ? Existe-t-il vraiment ?
Et finalement, qu'est-ce qui est essentiel ?
A vous de vous faire votre idée.