Cette « Féline », c’est Irena Dubrovna (Simone « Séverine » Simon). Jeune styliste au charme indiscutable, elle tape dans l’œil d’Oliver Reed (Kent Smith), alors qu’elle essaie vainement de dessiner la panthère du zoo de New York.
Rapidement, ils tombent amoureux l’un de l’autre et se marient. Mais Oliver n’avait pas envisagé une telle distance entre lui et son épouse : Irena a peur. Peur d’une malédiction qui vient de son pays d’origine (Serbie) qui dit que certaines femmes sont issues de félins, eux-mêmes issus de sorcières (1)… Et qu’elle a peur de venir elle-même une panthère si elle s’approche trop de son mari.
Bien sûr, ce ne sont que croyances qui remontent à l’enfance et son pays natal… Pourtant, un soir qu’elle rentre chez elle, Alice Moore (Jane Randolph) entend les pas précipités d’une femme qui la suit. Puis plus rien.
Rien ? Pour Alice, non. Mais pour le zoo, quelques moutons sont retrouvés égorgés, près des empreintes d’un fauve…
Etre le « fils de » n’est pas toujours un atout. Et Jacques Tourneur en a certainement fait l’expérience, lui qui a commencé en montant les films de son père, Maurice. Mais il faut reconnaître qu’avec cette Féline, le petit Jacques est devenu grand, et même un très grand dans le domaine du film d’épouvante. Mais pas seulement. Parce que Jacques Tourneur joue avec beaucoup d’habileté sur la lumière et le son, nous offrant un film qui, malgré le genre parfois déprécié voire méprisé (2), est un pur chef-d’œuvre cinématographique. Tellement qu’on va retrouver dans des films ultérieurs ce même savoir faire out tout du moins quelque chose qui s’en approche, sans obligatoirement le même talent.
Deux séquences à elles seules montrent la maîtrise de Tourneur quant au suspense et bien sûr la suggestion : à aucun moment, pourtant, nous n’avons droit à une quelconque transformation comme c’était le cas des différentes versions de Dr. Jekyll & Mr. Hyde. Et jusqu’au bout le doute va subsister jusqu’à la résolution finale, qui ne peut être autre.
Tourneur va utiliser l’opposition ombre/lumière avec beaucoup de brio, aidé en cela par la caméra de Nicholas Musuraca et surtout l’éclairage (et le non éclairage) qui donnent un aspect fantastique au film.
Dans la première séquence, Alice est poursuivie par Irena, donc, mais les pas de cette dernière cessent brusquement et Alice se retrouve seule dans une rue partiellement éclairée. Déjà, l’opposition ombre/lumière est source de tension, mais sur ces images un tantinet angoissante, il n’y a aucun bruit et surtout aucune musique. La tension arrive à un paroxysme qui sera déchiré par l’arrivée d’un bus.
Autre exemple de ce savoir faire, la piscine. A nouveau, Alice rentre chez elle et avant de s’enfermer dans son appartement, elle veut se délasser dans la piscine. Elle est seule et – malheureusement ? – n’a pas allumé la pièce. L’eau va capter quelques éléments lumineux et les réverbérer sur le plafond, amenant à nouveau une sensation de malaise, accentuée cette fois-ci par une ombre on ne peut plus menaçante (3).
Mais ces deux séquences n’arrivent pas par hasard, ni seulement pour effrayer (ou faire sursauter) le spectateur : Tourneur, grâce au scénario subtile de DeWitt Bodeen, va progressivement amener les éléments indispensables pour créer le suspense et favoriser un sentiment d’insécurité chez ses personnages : la rencontre devant la cage de la panthère noire ; le chaton ; la visite dans l’animalerie… Sans oublier le décor monomaniaque dans l’appartement d’Irena.
Bien sûr, nous avons droit à une séquence plutôt fantastique : le rêve que fait Irena, synthèse de ses pulsions et de ce qu’elle prouve. Mais c’est ailleurs qu’est le véritable ressort « épouvantable » (au sens premier du terme), dans ce jeu d’ombres et de lumières, ainsi que son adjonction ou non de musique que Tourneur maîtrise à la perfection (ou presque), donnant à son film une dimension supérieure.
- Les « cat people » du titre original.
- L’épouvante n’a pas toujours le vent en poupe chez les historiens du cinéma…
- Je ne vous dis pas ce que c’est. Allez voir vous-même…