L’orphelinat John Grier, où les pensionnaires sont traités comme au pénitencier.
Parmi eux, Jerusha « Judy » Abbott (Mary Pickford), une enfant abandonnée à la naissance dans une poubelle, pendant que d’autres enfants s’épanouissent au milieu d’une famille.
Parfois, un des bienfaiteurs s’intéresse au cas d’un ou d’une pensionnaire.
C’est un jour le cas de Judy.
Le film commence par une séquence édifiante : on annonce l’arrivée à la vie d’enfants, certains dans des familles, d’autres ailleurs. C’est lénifiant à souhait, pire que les admonestations de certains films de Griffith. Mais ce n’est qu’une illusion : il n’est pas question de démontrer quoi que ce soit. C’est l’histoire de Judy Abbott, et c’est tout.
Mais tout ça n’est pas toujours bien sérieux !
C’est vrai, Judy passe une bonne partie de sa vie dans un orphelinat strict (un petit peu plus la moitié du film), et la description qui en est faite n’est pas reluisante, mais le seul destin qui nous intéresse est celui de Judy.
Il y a d’ailleurs un changement radical dans la narration quand Judy affronte la « vraie » vie : ce n’est plus un univers clos aux règles sévères (et pas toujours justes), mais un monde ouvert où les gens sont libres.
Le ton aussi change avec l’environnement.
La vie à l’orphelinat est tout d’abord décrite à l’aide de parallèles forts : l’activité des orphelins ressemble à du travail forcé, les dirigeants sont des plantes pas toujours ornementales, voire agréables… Le tout dans des tentatives – balbutiantes, on est en 1919 – de fondus enchaînés du plus bel effet.
Mais cette vie terrible est aussi le moment le plus comique du film : les facéties (plus ou moins volontaires) de Judy sont irrésistibles. Mary Pickford retrouve un rôle de fillette qui grandit avec son savoir faire habituel. On a parfois du mal à croire qu’elle a déjà 27 ans quand sort le film !
La séquence d’ivresse avec un autre orphelin (Wesley Barry) est d’ailleurs très drôle. Mais même dans cette partie à dominante comique, la tragédie pointe : une petite fille qui veut sa maman va la rejoindre – définitivement – dans son sommeil pendant que Judy la berce.
Alors quand un nouveau bienfaiteur arrive et va sortir Judy de cet enfer, c’est une tout autre jeune fille qu’on retrouve. Elle a grandi et même la blouse de rigueur à l’orphelinat ne cache plus ses formes féminines. Ce bienfaiteur, c’est « Papa Longues-Jambes », appelé ainsi car Judy n’aperçoit qu’une ombre de lui magnifiée sur un mur, lui donnant l’air d’avoir des jambes infinies.
Avec la vraie vie, Judy va bien entendu connaître l’amour.
C’est d’ailleurs une autre séquence décalée qui va nous l’introduire : Cupidon, directeur général, et ses collaborateurs (eux aussi des bébés costumés) décident de s’occuper du cas de Judy.
C’est un des premiers longs métrages où les (tout) petits enfants ont un rôle aussi important : dans le comique (Bosco et le fil), comme dans le tragique (voir plus haut).
Mais malgré tout, c’est Mary Pickford qui irradie le film de sa présence. Elle est bezlle et nous montre l’étendue de son talent : jouant tour à tour la fillette puis la jeune fille voire la femme. Elle fait rire et émeut.
Et en plus, les plans mettent en valeur sa beauté.
Deux ans avant Le Kid, « un film avec un sourire, et peut-être une larme. »