Il était indispensable qu’un jour, un réalisateur allemand s’empare d’Hitler et le replace dans son contexte. Ce n’est pas exactement le cas puisque nous n’assistons qu’à la dernière décade de ce triste individu, mais tout de même, on sent l’exorcisme pas loin….
Nous suivons alors l’évolution de Traudl Junge (Alexandra Maria Lara) de son engagement jusqu’à sa fuite du célèbre bunker d’Hitler où ce dernier s’est donné la mort.
Les repères temporels sont plutôt flous, car si on se renseigne sur la jeune femme, on s’aperçoit que la toute première séquence aurait eu lieu en 1943 alors que tout le reste du film se situe entre le 20 avril – anniversaire d’AH – et le 7 mai – date de la capitulation sans condition.
Toujours est-il que le premier repère qui nous est donné est le jour de l’anniversaire d’Hitler (Bruno Ganz) : il lui est rapidement souhaité puis on retrouve quelques temps plus tard Eva Braun (Juliane Köhler) entraîner les habitants de la forteresse souterraine à danser.
Le deuxième repère consiste en une lettre écrite par Magda Goebbels (Corrina Harfouch) dans laquelle elle n’envisage pas de survivre si le régime tombe.
Le troisième c’est la mort d’Hitler et Eva, quant au dernier, c’est l’annonce de la capitulation, mais à ce moment, le film est quasiment fini.
Oliver Hirschbiegel concentre son récit sur les 10 jours entre l’anniversaire et la mort, à travers les yeux de la jeune secrétaire qui assiste en témoin passif de la déliquescence annoncée du régime. Dans le même temps sont insérés des éléments de la (sur)vie à Berlin, montrant les jeunes garçons et filles assurer une résistance dérisoire autant qu’aveugle, galvanisés par d’autres fanatiques en hommage à un homme qui n’a finalement pas grand-chose à faire de ces sacrifices vains.
C’est d’ailleurs cet homme le centre d’intérêt. Et Bruno Ganz est un führer terrible. Non pas pour ce qu’il représente mais avant tout parce qu’il est humain. On a toujours considéré qu’Hitler avait un côté inhumain, voire extra-humain. Or ce n’était qu’un homme, ce qui rend son influence et les exactions commises en son nom d’autant plus condamnables et ses idées combattues sans relâche.
Ganz a beaucoup travaillé pour arriver à ce résultat et on retrouve dans cet homme autant ses qualités humaines qu’inhumaines. Il est clair qu’on voit surtout Bruno Ganz incarner Hitler. La ressemblance n’est pas là, ce qui semble être un parti pris du metteur en scène : ce sont avant tout les dialogues et certains détails qui indiquent tel ou tel personnage historique.
L’exemple le plus flagrant est bien sûr Goebbels (Ulrich Matthes) : il a la coiffure et le costume de cet autre sinistre individu, mais il ne lui ressemble absolument pas. Tout comme Ulrich Noethen (Himmler) ou encore Mathias Gnedinger (Göring). Le seul qui semble un peu échapper à cette non-ressemblance est Heino Ferch dans le rôle de Speer.
Ganz, pour sa part, a de véritables faux airs de son personnage, mais essentiellement dans ses mouvements et surtout dans sa parole. Il n’est pas étonnant d’apprendre que l’acteur a beaucoup visionné et écouté d’archives de ce « modèle ».
On assiste alors à des colères terribles, surtout à l’encontre d’Himmler, et le plus souvent une forme de délire paranoïaque mâtiné d’un optimisme aveugle et irraisonné.
On a alors la possibilité de voir les réactions de son entourage absolument désarmé face à _un tel acharnement. Réactions que ce dernier bien sûr ne voyait pas.
Le film suscita de nombreuses polémiques quant aux événements ou encore aux personnages eux-mêmes. Mais ce n’est pas ici que je les relaierai, ça ne m’intéresse pas.
Ce que je peux dire, c’est que la « Chute » (« Untergang » en VO) ne concerne pas seulement Hitler mais bel et bien son régime et ses différentes composantes. On assiste alors à des scènes qui n’ont peut-être rien de véridiques mais qui décrivent bien l’agonie d’un régime qui n’en finit pas de mourir : la fête animée par Eva Braun ou les différentes beuveries des soldats retransmettent très bien cette impression de décadence qui se développe en même temps que le IIIème Reich se meurt.
Et le moment le plus terrible dans cette fresque, c’est très certainement la fin des enfants Goebbels, précédant de peu celle de leurs parents.
Un film fort et sans concession avec une distribution toujours juste, qui illustre parfaitement les derniers jours d’un personnage des plus terribles qui ait jamais existé, mais qui n’était rien d’autre qu’un homme.