Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Politique, #Dennis Gansel
La Vague (Die Welle - Dennis Gansel, 2008)

« Essayez la dictature, et vous verrez ! » (E. Macron, 23-01-2020)

 

C’est la semaine politique au lycée Marie Curie ! Pendant une semaine, les professeurs vont parler de différents systèmes politiques aux élèves, afin de leur faire prendre conscience les bienfaits de la démocratie.
Rainer Wenger (Jürgen Vogel), professeur d’EPS et de politique a prévu de faire cours sur l’anarchie, son domaine de prédilection. Seulement voilà, cette leçon a été confiée au professeur Wieland (Hubert Mulzer), un professeur un tantinet plus modéré (euphémisme). Rainer doit donc s’occuper de l’autocratie.

Bien sûr, derrière l’autocratie, les jeunes Allemands pensent au nazisme et à Hitler et commencent par rejeter ce cours qu’ils considèrent « culpabilisateur ».

Qu’à cela ne tienne, Rainer va leur proposer un jeu de rôles : il est leur leader et ils vont vivre une expérience afin d’améliorer leurs conditions de travail et surtout leurs relations dans la classe.

Bien sûr, « tout nouveau tout beau », alors ça fonctionne. Mais quand certains refusent une règle, ils sont virés du cours…

Et ça, ce n’est que le début.

 

Peut-être, tout comme moi, avez-vous lu La Vague (The Wave) de Todd Strasser (1981) adapté du téléfilm du même nom lui-même adapté de l’expérience menée en 1967 au lycée Cuberley de Californie par le professeur Ron Jones. Dans ce cas, vous serez peut-être d’accord avec moi pour dire que cette nouvelle adaptation est encore plus forte que ce roman. En effet, avec ce film, non seulement Dennis Gansel actualise le propos mais surtout le transpose là où est né le nazisme. Et le résultat de l’expérience de Wenger est on ne peut plus parlant : oui, une dictature nazie peut revenir. Mais là où il rejoint l’expérience de Jones, c’est que cette transposition peut être exportée n’importe où dans le monde dans chacune des différentes démocraties qui existent avec le même résultat. Hélas.

 

Et Dennis Gansel (aidé de Peter Thorwarth, co-scénariste) réussit pleinement sa démonstration, montrant que ces jeunes, conscients du passé de leur pays et vigilants à ne pas réitérer les mêmes erreurs, vont tout de même retomber dans les mêmes ornières que leurs aînés, progressivement, insidieusement, sans véritable coup de force de la part de leur leader : ils ont accepté à l’unanimité sa direction. Oui, comme Hitler, il est arrivé légitimement au pouvoir.

Et ce qui fait la force de ce film, outre son propos, c’est aussi la justesse des différents élèves : chacun est défini succinctement mais précisément et va induire on comportement dans cette expérience de fascisme moderne. Et le réalisme de cette expérience va jusqu’à utiliser un uniforme : une chemise blanche. Bien sûr, cette chemise n’est pas noire mais cette opposition chromatique ne peut pas nous faire oublier celles de Mussolini. Et Gansel va encore plus loin puisqu’il prend le temps de nous montrer une dernière fois Rainer s’habiller pour le dernier « meeting » : sa calvitie avancée et sa posture nous rappellent fortement le Duce. L’aspect prognathe en moins.

 

Et si le leader (1) est bien réussi, la présence des jeunes acteurs qui l’entourent est primordiale. Non seulement ils jouent au même niveau que Vogel, mais en plus, le scénario donne à chacun de leurs personnages ses propres dispositions pour entrer dans un mouvement fasciste. Entre Tim (Frederick Lau), geek solitaire un peu bêta qui cherche à s’intégrer dans un groupe et les autres élèves qui cherchent une existence, Gansel a su retransmettre ce besoin de reconnaissance qui fut le terreau du nazisme. On est absolument « bluffé » par ces personnages qui illustrent admirablement le propos. Sans oublier les regroupements occasionnels qui ressemblent aux intimidations violentes des SA au début des années 1930.

De même l’utilisation du water-polo comme sport d’une partie des élèves est on ne peut plus pertinente. Alors qu’on aurait pu avoir un match de foot, milieu propice à l’avènement du fascisme (2), Gansel et Thorwarth choisissent ce sport aquatique en référence à une tragédie issue de la dictature : la rencontre entre l’équipe de Hongrie et celle de l’URSS à Melbourne le 12 décembre 1956 qu’on peut résumer simplement par « du sang dans la piscine ».

 

Le tout accentué par les couleurs qui baignent ce mouvement : outre le blanc, on retrouve le rouge et le noir dans les logos disséminés sur la ville (Berlin). Les trois couleurs du drapeau nazi.

Et puisque nous en sommes aux couleurs, on notera celle que va porter une des élèves qui va entrer en résistance : alors que tous ses camarades ont accepté de porter une chemise blanche comme le leur a demandé Wenger, elle est la seule à porter une autre couleur, le rouge. Son choix est présenté comme arbitraire, comme si c’était le premier tee-shirt qui s’était présenté à elle. Mais quand on sait ce que les nazis (et affiliés) réservaient comme sort aux « rouges », on comprend pourquoi elle n’est pas en bleu ou jaune (ou autre).

 

Bref, le film, comme l’expérience de Vogel est une magnifique démonstration du danger fasciste qui se développe autour de nous.

En 2008 quand le film est sorti, tout comme aujourd’hui.

 

  1. Je n’ose parler de « Führer » !
  2. J’aime bien le foot ! Si, si !
Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog