Scorpio (Andrew Robinson) est un tueur psychopathe. Armé d’un fusil à lunette, il tue, à distance chaque victime au hasard. Satisfait de ses exploits il tente de monnayer ses actions auprès du maire de San Francisco (John Vernon) : si on lui verse 100.000 puis 200.000 (inflation oblige ?), il ne tuera personne, sinon…
Mais ce que Scorpio n’avait pas prévu, c’est que l’affaire serait confiée à l’inspecteur Harry Callahan (Clint Eastwood), qu’on surnomme dans sa brigade « Dirty Harry » (d’où le titre original).
Harry, c’est un flic intègre (trop ?). Il est revenu de tout et a usé ses coéquipiers l’un après l’autre : soit ils sont blessés, soit ils reposent en paix… Alors quand on lui présente un nouvel accompagnateur – Chico Gonzalez (Reni Santoni) – il est un tantinet circonspect, voire hostile à ce choix. Mais Harry est un bon flic, alors il accepte.
Quant à dire qu’Harry est un bon flic, il faut voir.
En effet, nous apprenons qu’il a descendu un type en pleine rue. C’est vrai que ce type était nu, armé d’un couteau de boucher, et avait l’intention de violer une femme.
Et quand nous le voyons pour la première fois sortir son arme, c’est pour tuer deux hommes et en blesser un troisième, coupables d’avoir braqué une banque. On est alors en droit de se demander qui est cet inspecteur aussi expéditif.
Mais il faut aussi se replacer dans le contexte américain. Pendant le tournage et à la sortie du film, la peine de mort aux Etats-Unis était abolie depuis 1967, et aucune exécution capitale n’eut lieu avant 17 janvier 1977, date d’exécution de Gary Gilmore.
Je ne dis pas que Harry est juge et bourreau à la fois. D’ailleurs, on ne lui tient pas rigueur d’avoir tué les deux hommes lors de son intervention sus décrite, son chef allant même jusqu’à le féliciter : ne serait-ce pas là qu’est le véritable problème ?
Mais son système d’éradication de la violence a tout de même un côté définitif fort discutable, répondant à la violence par la violence. Et son surnom de « dirty » (sale, salopard, affreux, à vous de choisir), semble lui convenir. Il est d’ailleurs d’accord avec ce sobriquet, mais pour une toute autre raison : on ne lui confie pas toujours les tâches les plus nobles.
Mais Callahan, s’il n’est pas non plus abolitionniste a une manière de penser assez logique. Il semble avoir l’âge de son interprète (35-40 ans) et n’est plus, depuis longtemps une jeune recrue idéaliste quant à sa mission dans la Force. De plus, sa femme a été tuée dans un accident de voiture causée par un chauffard. Ce dernier argument nous aide à comprendre son attitude sans pour autant la justifier.
De plus, cet homme est, d’une certaine façon, un paradoxe. Son aptitude à dégainer (et tirer, cela va sans dire) facilement est contrebalancée par certains principes : il se place toujours du côté des victimes contre un meurtrier – éventuel comme avéré. Sa façon de neutraliser l’homme qui voulait se suicider montre aussi que la vie humaine n’est pas rien pour lui, malgré son apparente misanthropie. Mais il a des méthodes qui ne sont pas du goût de tout le monde et surtout en dehors de la légalité. Sa façon d’obtenir des aveux de Scorpio est fortement discutable – voire carrément illicite : il le torture ! – et Donald Siegel, n’insiste d’ailleurs pas beaucoup sur cet aspect, la caméra prenant du recul et de la hauteur pour faire disparaître cette exaction dans la brume nocturne.
Mais cet aspect un tantinet tortionnaire s’oublie un petit peu quand on se rend compte du degré de dangerosité de Scorpio, capable de prendre en otage des enfants : s’attaquer à des enfants a toujours été, et est toujours, la pire des exactions qu’un méchant de cinéma peut faire – rappelez-vous M le Maudit – et aux yeux de la majorité, tuer un tortionnaire d’enfants passe beaucoup plus facilement. Mais n’en déplaise aux partisans de la peine capitale, l’exécution des coupables n’a jamais fait diminuer le nombre de méfaits.
Mais nous sommes ici au cinéma et laissons donc ce débat – qui ne sera certainement jamais fermé – pour revenir au film.
Eastwood est, pour la première fois cet inspecteur – radical – un tantinet insolent mais tout de même efficace (trop ?) qu’on retrouvera dans quatre autres films. Harry nous rappelle dans Un Shérif à New York du même Siegel et avec déjà le grand Clint. Mais si Coogan change et ne tue pas son prisonnier, il n’en va pas de même pour Callahan.
Quoi qu’il en soit, Siegel et Eastwood nous offrent un film efficace certes, mais qui pose tout de même la question de la peine de mort, sans y répondre de façon péremptoire.
Et cet aspect discutable de juge et bourreau de Callahan sera atténué, voire remis en cause, dans le second opus : Magnum Force.