New York au mois d’août, un jour comme un autre, normalement.
Trois hommes dans une voiture, devant une banque de Brooklyn.
La musique s’arrête (1). Un premier sort et pénètre dans la banque. Un second le suit, puis vient le troisième.
Ils ont décidé de braquer la banque.
Ca aurait dû être un petit casse vite fait, bien fait, mais dès le début, ça part mal.
Sidney continue de décrire des solitudes. Ici, c’est un braqueur, Sonny (Al Pacino), qui est seul. Il a beau être avec son complice Sal (John Cazale), il n’en demeure pas moins seul, négociant sa (sur)vie dans un braquage qui se termine en prise d’otages.
C’est un véritable après-midi de chien que vont vivre les personnes enfermées : c’est l’été et l’absence de climatisation va ajouter au malaise de la situation.
Pourtant, ca ne pouvait pas bien se passer. Dès la première intervention de Sonny dans la banque – il sort son fusil caché dans un paquet cadeau – le spectateur sait que ça va dégénérer : le fusil ne sort pas facilement comme prévu. Dès lors, c’est un enchaînement d’actions prévues qui ratent les unes après les autres : le troisième homme, Stevie (Gary Springer) lâche ses partenaires ; les fonds ont été collectés juste avant leur arrivée et il, ne reste presque plus rien à voler ; le garde fait de l’asthme…
Il s’agit de l’un des braquages les plus chaotiques du cinéma. Et pourtant c’est tiré d’une situation réelle (2).
Sonny est un personnage très complexe, que le grand Al Pacino joue avec brio. Sonny est seul car insatisfait. Il est revenu du Vietnam, mais n’a pas réussi à se réintégrer dans la vie civile. De plus, sa vie sentimentale est un vrai chaos : il a une femme, Angie (Susan Peretz) et deux enfants, et un mari, Leon (Chris Sarandon, magnifique lui aussi). Insatisfait partout, il n’a plus rien à perdre : seulement la vie.
Son complice, Sal est seul, lui aussi. C’est un être fruste et peu réfléchi. Mais il est déterminé à aller jusqu’au bout lui aussi. Et John Cazale nous interprète un magnifique Sal, complètement dépassé, lui aussi, par les événements : comment ne pas l’être au vu du déroulement de la journée.
En face, il y a, bien sûr, la police et deux négociateurs : au début, Moretti (Charles Durning) est un policier de la ville et à la fin, Sheldon (James Broderick) du FBI. Si Moretti transige afin de ménager les otages, il n’en va pas de même de Sheldon qui lui, est prêt à tout pour arrêter cette situation.
Le dernier personnage important du film, c’est la foule. Elle s’installe rapidement au début des opérations de police et va aussi rapidement prendre fait et cause pour Sonny.
Et Sonny va jouer avec cette foule qui lui est acquise, mêlant adroitement un aspect politique à ce minable braquage : la référence à Attica (3) n’est pas pour plaire aux forces de l’ordre qui se sentent obligées de négocier (dans la première partie).
Mais le tour de force, c’est la prestation d’Al Pacino. Il sort alors du deuxième Parrain de Coppola (aussi avec Cazale) où il campe un Corleone froid et efficace. Ici, son rôle à double personnalité est très courageux : l’homosexualité n’est pas très représentée au cinéma, et peu d’acteurs célèbres prennent une telle prise de risque.
Il est extraordinaire de bout en bout, secondé par un casting à la hauteur : Cazale est formidable en braqueur un tantinet idiot, et Sarandon bouleversant en homme qui se sent femme : magnifiquement pathétique.
Un film fort, inoubliable.
(1) Amoreena d’Elton John. Il n’y aura quasiment plus de musique de tout le film.
(2) Elle eut lieu le 22 août 1972.
(3) 9-13 septembre 1971 : Mutinerie dans la prison d’Attica qui a fait 39 morts.