« Tes mains sont faites pour bénir, pas pour frapper.
- Les mains sont faites pour bénir…Mais les pieds ? »
C’est comme ça que Peppone (Gino Cervi) recevra un coup de pied dans le fondement de la part de Don Camillo (Fernandel), curé de Brescello (Emilie).
Il faut dire qu’entre Don Camillo, curé de la ville et Peppone, maire d’icelle, ce n’est pas spécialement l’entente cordiale. Certes, la guerre – et surtout la résistance – les a réunis, mais maintenant qu’elle est finie et que le Duce a été éliminé, chacun est retourné dans son camp.
Celui de la « réaction » pour Camillo, celui du Parti pour Peppone, élu pour le PCI (nous sommes en 1946).
Mais les communistes le sont surtout par opportunisme : chacun a été baptisé et tout le reste...
Au commencement était le livre de Giovannino Guareschi, sorti 4 ans plus tôt, reflétant malgré tout une réalité : l’opposition entre l’Eglise et l’Etat, et surtout les communistes représentés par Peppone. Mais cette opposition de fait n’empêche pas un certain respect réciproques, essentiellement né de l’expérience commune de la Guerre.
Quoi qu’il en soit, c’est une forme de Guerre Froide qui nous est proposée par Julien Duvivier, corroborant sa vison pessimiste du monde : aucun côté n’est meilleur que l’autre. Et réciproquement !
On s’amuse franchement des mesquineries qui opposent ces deux hommes qui, malgré tout, s’apprécient grandement. Parce que tout n’est que mesquinerie : rien de bien grave, en somme, même si Camillo commence le film après avoir reçu – physiquement – une volée de bois vert dont Peppone est à l’origine (1) ! Parce que, homme d’église ou pas, Camillo n’est pas mieux que son adversaire, oubliant (très) régulièrement l’habit dont il est paré, au grand dam de son évêque (Charles Vissières) qui propose pourtant à Peppone de le faire remplacer. Refus de l’intéressé : qui pourrait lui tenir tête ?
Parce que cette opposition, en plus de nourrir l’intrigue, est une condition indispensable de la cohabitation entre les deux hommes. Certes, Camillo n’a pas toujours les attributs (spirituels) de l’homme d’église, démolissant à chaque occasion certains de ses opposants (des communistes, essentiellement). Mais Peppone l’explique très bien à ce même évêque : on ne peut pas frapper un curé « demi-portion » comme le propose l’éminence comme Camillo. Et si ce même évêque s’étonne de la volonté de frapper un homme de Dieu, c’est avant tout par méconnaissance de son personnel.
Camillo, est avant tout un bagarreur et ne rechigne pas à empoigner un fusil (mitrailleur ou non) l’occasion.
Bref, il est homme avant d’être « de Dieu ».
Et c’est pour cela que l’intrigue – tout comme le roman initial – fonctionne : ce curé un tantinet vindicatif est humain, avec sa force (physique) et ses faiblesses (spirituelles) : entre nous, on se demande bien quelles sont ses véritables faiblesses tant il mène son monde comme il l’entend, et Peppone le premier.
Mais il n’en demeure pas moins un personnage positif, malgré ses débordements, n’hésitant pas à redresser certains torts quand le besoin s’en fait sentir, passant, auprès des riches propriétaires terriens (2), pour un curé bolchevik :un comble !
Bref, un petit monde pittoresque et truculent, servi par des interprètes bien choisis – l’un des rôles-clés de Fernandel – mais que Camillo devra tout de même quitter : s’il peut se permettre d’assommer une quinzaine de personnes quand l’évêque (de Parme ?) n’est pas là, mais quand ce dernier est présent, il est inconcevable d’en assommer douze !
A suivre, donc…
- D’où le dialogue initial de l’article.
- Il s’agit avant tout d’un monde très rural.