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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Western, #John Ford
Sur la Piste des Mohawks (Drums along the Mohawk - John Ford, 1939)

Alors que la Guerre d’Indépendance vient de commencer, Gilbert « Gil » Martin (Henry Fonda) part s’installer avec sa jeune épouse Lana (Claudette Colbert) dans la vallée de la rivière Mohawk (1).

Passé le choc culturel lors de leur arrivée en territoire sauvage, Lana – citadine habituée à vivre richement – s’accommode de cette nouvelle vie sur la Frontière (voir plus bas), et rapidement une naissance s’annonce. Malheureusement, c’est la période choisie par les Anglais et leurs alliés Cherokees pour attaquer ces colons américains qui rêvent d’indépendance : leurs maison et récoltes sont détruites par le feu et Lana perd l’enfant.

Et la guerre continue.

 

Nous sommes à peine six mois après la sortie de Young Mister Lincoln où Henry Fonda tournait pour la première fois avec John Ford, et moins d’un an après celle de Stagecoach qui est sa première collaboration avec John Wayne. Autant dire que cette année 1939 est faste pour Ford qui signe alors trois films inoubliables qui apportent chacun leur contribution à la recréation de l’Ouest américain, celui qu’on appelle lointain (« far » West).

On ne peut parler de western original tant ce genre a été exploité – et l’est encore de nos jours – mais plutôt de western originel : en effet, Ford dispose son intrigue sur cet endroit qu’on appelle La Frontière.

 

La Frontière, c’est la limite occidentale qu’ont atteint les colons venus de Nouvelle Angleterre, à la recherche d’une terre accueillante et suffisamment riche pour s’y installer et prospérer. Autant dire que cette Frontière est la limite de la civilisation – dans le sens chrétien du terme : les Indiens, malgré leur occupation antérieure de ce grand pays, y sont considérés comme des païens, et le seul qui trouve grâce aux yeux de ces colons, c’est Blue Back (Chief Big Tree, habitué des productions fordienne) parce qu’il est chrétien (2).

Mais surtout cette frontière est l’occasion pour John  Ford d’installer son microcosme aux personnages pittoresques, élément indispensable de son cinéma.

 

Outre nos deux jeunes mariés, on y trouve des femmes fortes qui ne se laissent pas abattre, ainsi que quelques protagonistes hauts en couleur, dont le propre frère de John, Francis Ford (Joe Boleo), dans un rôle qui ressemble à un trappeur – parmi les plus grands artisans de la progression de la Frontière – ne parle pas beaucoup mais boit sans spécialement avoir soif. Il n’est d’ailleurs pas le seul, et cela malgré les regards un tantinet réprobateurs du pasteur local, le révérend Rosenkrantz (Arthur Shields, autre habitué du maître). Ce pasteur lui-même n’est pas sans caractère, mélangeant allègrement les Ecritures et la vie quotidienne de la communauté.

 

C’est d’ailleurs cette communauté qui est la véritable héroïne de ce film tant nous assistons à une communion et une solidarité fortes entre ces hommes et ces femmes qui se battent contre les éléments (la tempête, le froid…) autant que contre les ennemis de ce qui va devenir leur pays : quand le film se termine et que la guerre est finie, on hisse au plus haut le drapeau de ce nouveau pays pour lequel ils ont combattu et pour lequel certains d’entre eux sont morts.

Et comme toujours chez Ford, nous avons droit à une séquence de danse, dont le prétexte ici est un mariage, mais que nous n’apprenons qu’une fois les festivités commencées : encore une fois, le mariage n’est pas le centre de l’histoire, ni ne signifie la fin du film.

D’ailleurs, le premier mariage qui ouvre le film est vite expédié, les amoureux s’en allant directement de la cérémonie à leur nouvelle habitation, plus loin dans l’Ouest.

 

Bien sûr, la place des femmes est toujours primordiale, comme on pourra le vérifier dans les autres films de Ford : si Lana, fraîchement arrivée de la ville est découragée et fortement déçue par cette nouvelle vie, cela ne dure pas et c’est quand Gil sera à son tour découragé et désespéré qu’elle se révèlera une femme fordienne à part entière : une femme forte et résolue, qui ne s’en laisse pas compter par les hommes, aussi forts et résolus qu’ils soient.

Evidemment, la femme la plus forte dans le film est la veuve Mc Klennar (Edna May Oliver) qui annonce certains rôles que tiendra Mildred Natwick dans les films à venir de Ford. Edna May Oliver n’était pas à son coup d’essai dans ce genre de rôle : on se souvient de sa prestation dans le rôle de la Tante March dans Les quatre Filles du Dr. March six ans plus tôt. Il paraît évident qu’un jour Lana sera de la même trempe que son aînée qui en fera, bien évidemment son héritière, l’ayant toujours considérée comme la fille qu’elle n’a pas eue.

Et d’une manière générale, ce sont tous ces « petits » rôles (petits dans leur dimension parlée, mais indispensables au film) qui font tout le sel de cette communauté. Il n’est alors pas étonnant d’y trouver beaucoup d’acteurs fidèles au maître : Russell Simpson, Mae Marsh et l’indispensable Jack Pennick.

 

Bref, un film jalon dans la carrière de John Ford, et qui a tendance à être oublié et rabaissé par rapport aux deux autres qui sont sortis cette même année, mais qui marque le début de ce pays qui n’a pas seulement accueilli les personnages qu’il a pu faire évoluer dans ses films, mais lui aussi, fils d’émigrants irlandais installés sur la côte Est.

Ce film, d’une certaine façon donne une origine à ce que nous connaissons sous le nom de Western : nous y trouvons les éternels grands espaces peu hospitaliers, peuplé des ces Indiens qui ne seront pas toujours des ennemis, et qui verront se développer nombre de ces communautés de migrants venus chercher un monde meilleur, cette nouvelle « Terre Promise ».

C’est le film qui annonce le reste de l’œuvre de Ford dans l’Ouest jusqu’à L’Homme qui tua Liberty Valance (1962), film jalon final, marquant le triomphe de la civilisation sur l’Ouest sauvage et donc la fin de cette Frontière.

 

  1. Encore une fois, nous avons un bel exemple de traduction (très) approximative : alors que le titre original parle de « tambours le long de la rivière Mohawk », nos amis traducteurs ont pluralisé le nom. Est-ce dû à une ignorance en rapport avec cette rivière ? Très certainement, si vous voulez mon avis. Quand ce film est enfin sorti sur les écrans français, la guerre n’était pas encore terminée et la traduction d’un titre n’était pas à proprement parler une priorité.
  2. Cet Indien est tout de même un drôle de paroissien comme en atteste ses différentes interventions dans ce qui sert d’église.
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