Eric Stanton débarque (1) à Walton (Californie), avec un seul dollar en poche.
Une semaine plus tard, il a séduit Stella (Linda Darnell), la belle serveuse de chez Pop (Percy Kilbridge), et épousé la non moins belle June Mills (Alice Faye), malgré l’avis de sa sœur Clara (Anne Revere).
Son secret : il sait parler, et encore mieux aux femmes. Mais derrière son discours envoûtant, qui est cet aventurier, avant tout intéressé par l’argent de June, et qui rêve de partir avec Stella ?
Mais ce succès est de courte durée : Stella est retrouvée mort, assassinée. Et Stanton se retrouve rapidement en tête des suspects.
C’est un film très subtil que nous propose là Otto Preminger, un an après son phénoménal Laura. Il y retrouve d’ailleurs Dana Andrews, cette fois-ci dans le rôle du personnage mystérieux. C’est lui l’ange déchu du titre original : il n’a plus rien et échoue lamentablement dans cette petite ville. Et Preminger nous emmène dans cette histoire émaillée de fausses pistes où son héros désarçonne le spectateur : Stanton n’est pas un personnage bien clair, toujours sur le fil du rasoir, embobinant plus qu’il ne convainc ceux qui l’approchent. A l’instar du véritable « Ange déchu » (Lucifer), Stanton possède la même séduction diabolique, se fichant des convenances – il veut toujours partir avec Stella alors qu’il est marié avec June – amenant un certain désordre dans une petite ville bien tranquille – malgré ses petites histoires inévitables.
Et l’ambiguïté de ce personnage est accentuée par l’aspect noir du film : de par son sujet mais aussi sa plastique, véritable jeu d’ombres et de lumières.
En effet, et c’est un des paradoxes du film, c’est de l’ombre que vient la lumière : que ce soit la part d’ombre personnelle que chacun renferme en soi, ou cette ombre propice à (se) cacher. Je m’explique : C’est tapie dans l’ombre que Clara saura à quoi s’en tenir à propos de celui qui vient d’épouser sa sœur. C’est en restant dans l’ombre que le policier Judd (Charles Bickford) aura la révélation de la relation existante entre Stanton et Stella.
Et c’est d’ailleurs la part d’ombre d’un de ces personnages qui permettra la résolution de l’intrigue et nous indiquera le nom de l’assassin de Stella.
Et que les fans de Dana Andrews (dont je fais partie) se rassurent : le grand Dana n’est pas le coupable ! Mais son jeu ambigu s’accorde tout à fait avec le style adopté par Preminger, laissant planer le doute sur son personnage jusqu’à la dernière limite : il faut attendre les cinq dernières minutes du film pour avoir – enfin – le fin mot de l’histoire.
Alors certes, la fin est un tantinet entendue, mais elle pèse vraiment peu à côté de tout le cheminement qui nous y amené, servi par une distribution à la hauteur du cinéaste (2).
Un film à (re)découvrir de toute urgence !
- Au vu de sa situation pécuniaire, il est plus juste de dire qu’il est débarqué.
- D’ailleurs, beaucoup, à part Alice Faye, ont récidivé avec lui, malgré son attitude autoritaire (euphémisme…).