Anatevka, Russie tsariste, début du vingtième siècle.
La vie dans le quartier juif de ce village ukrainien, où la tradition est sans cesse bousculée, par les jeunes gens qui s’éveillent à la vie et surtout à l’amour, quand ce ne sont pas les ordres antisémites de Moscou qui le font.
Au milieu de ce monde en mutation, Teviah (Chaim Topol), laitier et père de cinq filles, toutes, bien sûr, bonnes à marier.
Il s’agit de la première comédie musicale que met en scène Norman Jewison – la seconde sera Jesus Christ Superstar, tout un programme encore une fois ! – adaptée de la « comédie » musicale du même nom.
A ce propos, le vocabulaire français est des plus pauvres quand il s’agit de qualifier un film, reliant inexorablement son aspect musical à la comédie. Pourtant, si l’humour (juif) est bien présent, je ne vois pas en quoi ce film est une comédie.
Les Anglo-Saxons sont beaucoup moins partiaux, ils parlent d’un(e) « Musical ».
N’ayant pas assisté à une représentation sur scène, je me contenterai de ce film, de cette fresque devrais-je plutôt dire, dont les 173 minutes passent avec une vitesse incroyable, alternant les moments légers et graves comme le fait la vie, qu’on habite ici où là-bas, qu’on soit Juif ou Gentil.
Teviah est le narrateur de cette histoire, tragique cela va sans dire, où les choses bougent beaucoup trop vite pour lui, étant sans cesse en retard sur ses enfants qui ont anticipé ce vingtième siècle qui se déroule inexorablement et écrase sur son passage les certitudes et pis que cela, les traditions.
Dès la séquence d’ouverture, il nous décrit son village qui évolue au rythme de sa chanson, décrivant la partie juive sans pour autant négliger les autres, et en particulier le connétable (Louis Zorich), dont le rôle – subalterne certes – n’en demeure pas moins humain.
Mais bien sûr, une fois le postulat – la Tradition – énoncé, les différents protagonistes n’auront de cesse de le remettre en cause, outrepassant sa portée, ne laissant aux anciens – dont Teviah, évidemment – que la possibilité de s’indigner, mais sans rien y changer.
Les sorts des trois premières filles de Teviah et sa femme Golde (Norma Crane) allant de plus en plus loin dans ces bouleversements qui ne font malgré tout que faire évoluer la communauté et l’entraîner dans ce siècle des mutations.
La première – Tzeitel (Rosalind Harris) fait revenir son père sur la promesse qu’il avait faite à un ami de la marier (1) ; la seconde déclare qu’elle a pris seule sa décision avec celui qui sera son mari (2) ; Quant à la troisième, c’est encore pire : elle épouse un Gentil ! (3)
Mais malgré ces mutations abruptes, la communauté continue sa vie, malgré aussi les exactions antisémites de cette Russie tsariste (4) : un pogrom pendant le mariage de Tzeitel et Motel (Leonard Frey) ; la déportation finale qui les voit tous quitter ce qui était leurs foyers.
Mais malgré cette fatalité – tragique – qui pèse sur ce peuple et les différentes calamités, on n’est pas triste pour ces gens qui sont sans cesse en mouvement (« peut-être est-ce pour ça qu’on garde notre chapeau » déclare Teviah à l’aune de ce nouveau départ).
Il reste cet espoir d’un Messie qui doit venir, et qui viendra donc ailleurs, là où ils seront. Et quand on pense à ce que ce vingtième siècle leur réserve, on se dit qu’il leur faudra beaucoup d’espoir pour ne pas renier cette religion qui les présente comme le « peuple élu. »
Et les pensées de Teviah vont elles aussi dans ce sens, un tantinet blasphématoires, demandant à d’autres d’être ce peuple élu. Elu, mais tout de même bien malheureux.
Et le violon me direz-vous ? Ce n’est pas un violon (5) mais un violoniste (Tutte Lemkow) qui ouvre et ferme le film, partant lui aussi avec ses coreligionnaires vers des cieux espérés plus cléments…
Et quand le film se termine, on reste là avec une larme au coin de l’œil, et peut-être aussi un sourire…
- D’un autre côté, cet ex-futur – Lazar Wolf (Paul Mann) – est le boucher du village et a, à peu de choses près, le même âge que Teviah.
- Perchik (Michael « Starsky » Glaser, qui n’a pas encore ajouté Paul en tête de son prénom).
- Elle épouse Fyedka (Ray Lovelock) qui est chrétien (orthodoxe, donc).
- Rappel : Pogrom est avant tout un mot russe.
- Pourquoi cette traduction/translation/(trahison) originelle ?