Une fusillade, trois hommes qui s’engouffrent dans une voiture, et un dernier qui s’écroule, le pistolet à la main, après avoir tiré un dernier coup : il est mort. Ou presque. Il a encore le temps de nommer celui qui l’a fait assassiner : « Rocky » Thorpe (Charles Bickford).
Seulement voilà : Rocky purge une peine de cinq ans de prison. Il doit d’ailleurs être relâché, et pourra donc continuer ses forfaits.
Mais la police veille et elle imagine un stratagème ambitieux et surtout audacieux : infiltrer un homme dans la bande de Rocky. Mais pas n’importe qui : Rocky lui-même. C’est l’agent John Franklyn (Charles Bickford) qui va s’encharger, son physique rappelant fortement celui du caïd qu’on va garder au frais en attendant.
« Rocky » est donc relâché…
Eh oui, encore un film de gangsters ! Mais comme c’est ici James Cruze qui dirige le projet, on peut espérer un résultat satisfaisant D’autant plus qu’on y retrouve avec plaisir (en tout cas, pour moi) Ann Dvorak qui a fait ses preuves dans le genre.
Et li n’y a pas lieu d’être déçu, Cruze réalisant ici un film honnête – même s’il est question de gangsters – certes en dessous d’un Hawks ou Wellman du début des années 1930s (Scarface, Public Enemy…), mais qui tient malgré tout ses promesses : du crime, de la violence, et bien sûr une fin morale. (1)
Et la subtilité du scénario – signé par un petit jeune (26 ans) qui monte et prendra bientôt place derrière la caméra (2) – c’est de rendre sympathique le truand, chose alors interdite !
En jouant sur le dédoublement du rôle et cette usurpation d’identité, on peut apprécier le gangster sans réserve : c’est un flic !
Et comme le scénario joue sur l’identité, nous aurons droit à la confrontation – banale – entre le truand et sa (pâle) copie. Cette confrontation est d’ailleurs indispensable à la résolution de l’intrigue.
Bien que le titre original soit identique au film de Scorsese sorti une soixantaine d’années plus tard, le propos est très différent : tout d’abord, le film de Cruze peut être qualifié d’actuel (pour 1938) alors que Scorsese fait dans la reconstitution (3). Nous sommes dans un New York qui ressemble à celui des spectateurs et les truands ont autre chose à faire que s’étriper les uns les autres – même si cette idée n’est pas éloignée de l’esprit brutal du vrai Rocky.
L’infiltration au plus haut niveau est d’ailleurs un bon prétexte pour coller au fameux Code Hays : comme c’est un policier et non un gangster qui dirige cette organisation criminelle, le nombre de morts diminue et surtout a tendance à disparaître puisqu’il n’est pas pensable qu’un flic autorise des morts violentes, même dans une telle situation.
Au final un film de gangsters de bonne facture, même s’il y manque la patte d’un Hawks ou d’un Walsh. On a plaisir à y retrouver Charles Bickford et consort mais on regrette quand même l’époque des gangsters vraiment durs et surtout impitoyables : Franklyn/Rocky est malgré tout un flic et on aurait aimé voir le vrai Rocky dans ses œuvres afin de pouvoir comparer un peu plus, mais le Code Hays étant ce qu’il était, ce n’était plus possible.
Consolons-nous quand même : nous sommes bel et bien au cinéma, et c’est tout ce qui compte !
- Code Hays oblige…
- Samuel Fuller
- A l’origine des deux films, le même écrivain : Herbert Asbury.