Mary (Marion Davies) vit dans une prison dorée : belle-fille du riche John Bussard (Elmer Grandin) des Bussard de Boston (pas n’importe quelle famille donc), elle mène une vie triste et retirée, dominée par ce beau-père rigoriste. Mais bonne nouvelle : le beau-père meurt (bêtement) et elle hérite de sa fortune, pas toujours très bien acquise. Seulement voilà : pour pleinement hériter, elle doit vivre un an chez le frère du défunt, Amos (Frederick Burton) et sa famille – son épouse collet montée (Amelia Summerville) et sa (vieille) fille (Constance Beaumar) tout aussi rigoriste que savent l’être les Bussard.
Bref, c’est une autre prison qui l’accueille, et celle-ci pas vraiment dorée. Mais heureusement pour elle, dans cet univers bostonien peu reluisant apparaît Jimmy Winthrop Jr. (Norman Kerry), célibataire très fortuné, qui tombe sous le charme de la belle Mary.
Marion Davies n’est encore qu’une jeune actrice à Hollywood (1) et n’a pas encore été happée par le rouleau compresseur Hearst qui voulut en faire une star de premier plan, devenant alors une gêne plus qu’autre chose pour sa carrière cinématographique. SI elle n’a pas atteint pleinement ses capacités, ce qui arrivera bientôt, elle possède déjà l’essentiel pour réussir : un beau visage expressif (2) et une présence. Et comme toujours dans ces cas-là, c’est autour d’elle que va s’opérer l’osmose : un rôle principal n’est grand que si les rôles secondaires sont à la hauteur. Et comme c’est Allan Dwan qui est aux commandes, on peut être assuré que c’est le cas. Et le choix des interprètes est primordial ici, surtout pour cette famille de prétentieux que sont les Bussard (3). Comme on dit, ils ont la « gueule de l’emploi » : secs comme un coup de trique et méchants comme des teignes. Bref, ce sont des méchants très acceptables, autre condition de succès du film.
Et puis il y a Norman Kerry. Lui aussi en est encore à ses débuts (il a commencé trois ans plus tôt), et s’il est déjà le jeune premier, il n’a pas qu’un rôle plastique comme ce sera le cas plus tard (4) : il est partie prenante de l’intrigue et influe véritablement sur le destin de la jeune Mary. Sans oublier une séquence irrésistible avec Constance Beaumar, la vieille fille qui essaie de le séduire (en pure perte, cela va de soi), qui nous montre qu’il savait très bien jouer avec son visage.
Bref, une petite comédie comme on trouvait beaucoup dans cette période d’après-guerre – le personnage de Ted Barnacle (Matt Moore) y fait référence lors de sa rencontre avec Mary – et qui fonctionne très bien grâce au savoir faire des différents protagonistes ainsi que du réalisateur. « Petite comédie » seulement parce que Dwan et Davies nous ont montré ultérieurement qu’ils étaient capables de jouer à un niveau supérieur.
Et comme beaucoup de ces « petites comédies », elle se déguste avec gourmandise.
- C’est le film le plus ancien qui nous reste de l’actrice.
- Avec de superbes yeux bleus. Oui, je sais, le film est en noir et blanc, mais elle ne peut pas avoir les yeux d’une autre couleur.
- Dont un ancêtre a dû venir avec le Mayflower…
- Cf. The Unknown (Tod Browning, 1927)