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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Fred C. Newmeyer, #Sam Taylor, #Harold Lloyd, #Comédie
Girl Shy (Fred C. Newmeyer & Sam Taylor, 1924)

Avant toute chose, je tiens à faire une mise au point. Si vous êtes un des habitués de ce blog, vous devez connaître ma crispation à propos des traductions françaises des titres de films étrangers, et surtout des films comiques américains. Avec Girl Shy, j’ai un sentiment que nous ne sommes pas loin de toucher le fond. En effet, la « traduction » qui en fut faite est des plus minables qui soit (1).

En effet, prenant prétexte d’un handicap – temporaire – du héros le film sortit avec cette abomination que je refuse de citer ici (2).

On sent dans ce titre une  forme larvée de dénigrement qui peut s’expliquer par la tendance à considérer les films comiques comme des amusements bons pour le vulgum pecus, tandis qu’une certaine catégorie ne s’émouvrait que sur des sujets plus sérieux.

Et penser cela de Girl Shy, c’est faire une « grosse erreur » (traduction un tantinet plate : cf. Last Action Hero).

 

En effet, encore une fois, Harold Lloyd – aidé entre autres de Fred C. Niemeyer et Sam Taylor – nous offre une comédie des plus subtile, dont le héros prénommé Harold (comme c’est bizarre…) se retrouve dans une situation tragique et réussit tout de même à nous faire rire.

Harold donc est timide avec les filles (d’où le titre original). Pourtant cela ne l’empêche pas de proposer à un éditeur un manuscrit dans lequel il tente d’aider les jeunes gens à séduire les jeunes filles.

 

De ce paradoxe naît un nombre incalculable de gags : dans son livre tout comme dans sa vie.

La création littéraire nous permet d’assister à quelques-unes de ces supposées conquêtes : une vamp qui rappelle Theda Bara (Nola Luxford) ou encore une flapper qui a plus que quelque chose de Clara Bow (Judy King). Pas un seul instant nous ne prenons au sérieux ce qu’il écrit.

Pendant ce temps, dans la vraie vie, il est tailleur et ne peut s’empêcher de bégayer dès qu’il doit s’adresser à une femme (jeune ou plus âgée).

 

Et puis il y a la rencontre : la jeune Mary Buckingham (Jobyna Ralston), riche héritière courtisée par le méchant du film : Ronald DeVore (Charlton Griffin). Bien sûr, le spectateur francophone comprend tout de suite, à la lecture de son nom que ce n’est pas un personnage recommandable (loin de là).Pourtant il va presque réussir à se marier avec Mary !

Et c’est là que se situe le tour de force du film : alors qu’il venait voir l’éditeur à propos de son livre, les secrétaires vont se moquer de lui et de son livre – qu’elles ont lu – avec force éclats de rire – amenant une déprime sévère chez Harold qui lui fera mentir à Mary, honteux d’être un écrivain raté.

Il s’agit de l’un des moments les plus tragiques que j’ai vus dans les films de Lloyd. ON y sent un désespoir tangible, sa conduite – défensive – envers Mary amène un degré d’émotion qui sera entretenu le plus longtemps possible, voire jusqu’à la cérémonie pour Mary pendant que son « ex » tentera le tout pour le tout pour la regagner.

 

Nous assisterons alors à l’une de ses plus belles courses, contre le temps comme plus tard dans Speedy, mais avec une utilisation de divers moyens de locomotion sauf l’avion et le vélo (3), amenant une tension de plus en plus forte afin d’amener une résolution optimale de l’intrigue.

C’est dans ce film qu’on peut voir Harold à l’arrière d’un camion de pompier essayer d’y rester en attrapant le tuyau qui se dévide à mesure qu’il tombe vers l’arrière, jusqu’à la chute inévitable… Formidable !

 

Et puis il y a Jobyna. Non seulement elle était très belle, mais en plus elle s’intégrait superbement dans l’univers de Lloyd. Ce n’est pas un hasard si elle partagea plus d’une fois la vedette avec lui. Ici, Mary est le révélateur pour Harold : en sa compagnie, il est audacieux (il réussit à sauver son petit chien) et il arrive à parler sans hésiter de son livre, ni surtout à l’ennuyer par son récit.

Lors de leur retrouvailles, nous assistons – encore une fois – à un grand moment d’émotion : il est sur une barque, sous un petit pont, en train de pêcher un peu, mais surtout rêver, contemplant avec amour une boîte de biscuits pour chien (4) pendant qu’elle, immobile sur ce même pont chérit la boîte de crackers qu’il lui avait achetée dans le train, son reflet apparaissant sur la surface de l’eau. Mais comme Harold rêve, il ne se rend pas compte qu’elle est vraiment là.

 

Girl Shy est, à mon humble avis, l’un des meilleurs films de Lloyd, mélangeant habilement tragédie et comédie, arrivant à faire rire dans les moments tragiques, et à émouvoir dans les moments comiques.

Fabuleux.

 

 

  1. Même Along came Jones est mieux traduit que ce film. Encore que… Peut-être pas Along came Jones.
  2. Encore une fois j’en fais trop : Ca t’la coupe.
  3. Ce dernier véhicule sera tout de même présent puisqu’un enfant passe près de lui en tricycle.
  4. La scène du biscuit est encore un beau moment comique, qui rappelle d’une certaine façon les bonbons de Grandma’s Boy)…
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