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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Erich von Stroheim
Les Rapaces (Greed - Erich von Stroheim, 1924)

L'image : des mains, maigres, qui brassent des pièces (d'or, bien sûr)...

 

Réalisme.

Ni poétique, ni nouveau.

Juste le réalisme.

Stroheim, avec ce film - et quel film ! - nous plonge dans le plus noir de l'âme humaine.

Mais cette fois-ci, il  n'apparaît pas. Il n'a pas besoin d'ajouter à la noirceur en participant au jeu. Ses personnages qu'on aimait haïr - souvent des officiers sadiques - sont superflus dans ce film : Mc Teague (Gibson Gowland), Trina (Zasu Pitts) et Marcus (Jean Hersholt) se suffisent à eux-mêmes. Ils  n'ont pas besoin d'en rajouter. S'il avait joué, il aurait certainement détourné l'attention.

 

Quelle histoire !

Adaptée de Mc Teague de Frank Norris (1899), elle raconte la rencontre de Mc Teague et Trina : leur amour naissant puis la déchéance progressive de cet amour qui les emmène vers la mort.

Il n'y a aucune rédemption possible : ces êtres sont marqués par le destin. Ils ne peuvent pas s'en sortir. C'est peut-être aussi pour ça que ce fut un échec.

L'autre raison, bien entendu, c'est la mutilation du film : d'une histoire de neuf heures, on arrive péniblement à deux heures et dix minutes d'une intrigue réduite au strict minimum, voire encore moins !

Parce qu'à l'origine, il y a plusieurs histoires : les gens qui gravitent autour de Mc Teague et Trina : Maria (Dale Fuller) et Zwerkow (Cesare Gravina), Mr Grannis et Miss Baker (Fanny Midgley). Ces personnages ont soit disparu, soit interviennent très peu (on était obligé de garder Maria, instrument du destin). De l'intrigue entre Maria et Zwerkow, qui promettait beaucoup de noirceur, il ne reste que quelques photos. Hélas.

Concentrons-nous alors sur ce qui reste.

 

Mc Teague est une brute. Mais une brute au grand cœur : alors qu'il pousse des chariots remplis, à la mine, il est  capable de s'arrêter pour un pauvre petit oiseau blessé. Mais malheur à celui qui se moque de lui : tout se règle par la violence.

Et pourtant. Quand il rencontre Trina, sa vie bascule. C'est l'amour. Mais quel amour : la sortie dominicale se fait sur une plaque d'égout, à jouer UN cantique sur un accordéon diatonique ... On est loin des liaisons romantiques qu'on trouve avec Greta Garbo ou Gloria Swanson...

Et tout est de cet acabit : le mariage n'est qu'une occasion de bâfrer, sans aucune solennité.

Mais c'est avec le mariage que la situation empire : Mc Teague offre à Trina un couple d'oiseaux en cages. Ces oiseaux, ce sont eux, enfermés et à la merci d'un chat de plus en plus entreprenant : prisonniers d'un mariage qui les enferme de plus en plus, menacés par Marcus qui les envie toujours plus. Pas étonnant alors que ces oiseaux accompagneront Mc Teague jusqu'à la fin, dans un lieu hautement prémonitoire : Death Valley (La Vallée de la Mort).

 

Et puis il y a le destin, facétieux, bien entendu : Trina achète un billet de loterie et abracadabra, elle gagne. Cinq mille dollars. Plus qu'elle n'aurait pu gagner dans toute une vie...

Mais ces cinq mille dollars vont amener la chute : Trina est d'une avarice maladive (« pas question d'y toucher »), et Marcus est amer, lui qui s'est effacé devant Mc Teague pour la conquête de Trina. Et cette amertume se transformera en haine, voire en haine mortelle. Haine qui se résoudra dans la Vallée de la Mort, au beau milieu du désert qui n'aura jamais mieux porté son nom.

Et tout ça pour quoi ? Pour l'argent. L'argent, c'est bien connu, corrompt. Mais ici, en plus, cet argent pourrit. Il pourrit la vie des personnages, il pourrit leurs âmes.

Mais cette décomposition est magnifiquement montrée. Et Stroheim retranscrit très bien l'évolution de Trina, rongée par l'avarice (« greed » en Anglais) et son obsession de posséder, qui économise à l'extrême : non seulement le maigre argent que ramène Mc Teague, mais aussi ses propres économies. Elle devient terne, voire cadavérique, allant jusqu'à coucher nue avec son argent.

D'une manière générale, le film est très fidèle au livre - si on oublie les mutilations - montrant avec précision les ravages que peut faire l'argent chez des gens qui n'en ont jamais eu.

Et quand Mc Teague, seul, enchaîné à Marcus, au milieu du désert, se rend compte qu'il a tout perdu, on ne peut que déplorer le côté illusoire de l'intrigue :

« tout ça, pour (seulement) ca », a-t-on envie de crier alors que la caméra s'est éloignée de Mc Teague, l'abandonnant à son sort funeste.

 

Oui, tout ça pour ça, mais que c'est beau !

 

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