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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Western, #Scott Cooper, #Road Movie
Hostiles (Scott Cooper, 2018)

1892, Nouveau Mexique.

Les Commanches font des raids contre les fermes isolées.
C’est ce qui arrive à Rosalie Quaid (Magnifique Rosamund Pike), qui perd sous ses yeux ses enfants et son mari.

Un peu pus loin, un capitaine de l’armée de l’Union, Joseph Blocker (Christian Bale) doit escorter Yellow Hawk (Wes Studi, lui-même d’ascendance cherokee), un chef indien mourant, vers les terrains de chasse de ses aïeux dans le Montana. Le seul problème, c’est que ce chef a tué beaucoup d’amis de Blocker, pendant les guerres indiennes.

Alors quand le convoi arrive à la ferme Quaid, les choses se compliquent.

 

Régulièrement, Hollywood nous annonce le grand retour du western, genre aussi vieux que le cinéma lui-même, ou presque. Cette fois, on nous annonce un produit hybride né de la rencontre de John Ford et de Clint Eastwood.

Oui, pourquoi pas. J’aurai plutôt parlé de Michael Cimino plutôt qu’Eastwood. En effet, on retrouve brièvement la violence de La Porte du paradis et surtout la quête de Sunchaser.

Quant à John Ford, on retrouve bien sûr un des thèmes de La Prisonnière du désert (1) – même si nous ne sommes pas dans Monument Valley – Blocker rappelant, d’une certaine manière mais pas totalement (j’y viendrai plus tard), le personnage interprété par John Wayne : Ethan Edwards.

 

Mais Blocker n’est pas Edwards, avant tout parce que Blocker est un soldat. Et son rapport avec les Indiens est avant tout un rapport professionnel. Il n’est qu’n exécutant d’ordres qu’il n’a pas à remettre en cause. Son explication avec son frère d’armes Thomas Metz (Rory Cochrane) est la clé de l’attitude de Blocker vis-à-vis de son prisonnier cheyenne.

En effet, l’échange qu’ils ont, avant de se mettre en route, est primordial pour comprendre les différentes positions que vont adopter ces deux soldats pendant leur dernière mission ensemble : Blocker retournera à la vie civile après, quoi qu’il arrive.

Mais cet échange nous montre aussi leur différence : bien qu’ils aient longtemps combattu les Indiens ensembles, ils ne voient pas leur(s) action(s) de la même façon. Pour Blocker, comme c’est dit plus haut, il n’a fait que son métier. Mais Metz lui, éprouve des remords d’avoir tué autant d’Indiens (2).

 

Et c’est là qu’intervient l’élément indispensable : la Rédemption (3). Parce que dès le moment où Blocker accepte la mission (4), nous - spectateurs - savons qu’il y aura au bout du voyage la rédemption. Et elle concerne ces deux soldats. Chacun la trouvera mais de différentes manières : si Metz fera tout pour la trouver, elle tombera sur Blocker malgré lui. En effet, si Metz a des remords – on dirait actuellement qu’il est un criminel de guerre, au vu des atrocités qu’il a pu perpétrer – Blocker a sa conscience tranquille : il faisait son travail. Cela passait par la perte de compagnons chers, mais c’était indispensable dans son métier. Et son hostilité (d’où le titre) envers Yellow Hawk n’est rien d’autre qu’un élément naturel des choses : ils ont été ennemis par le passé, et rien n’a changé pour lui. Il reste l’Ennemi. Et si cette mission a un sens pour lui, c’est avant tout de s’assurer qu’au bout du voyage, cet ennemi est bel et bien mort.

 

Parce qu’avant tout, c’est un voyage. On peut même parler de road movie, alors que les sentiers empruntés ne s’apparentent que très peu à des routes. Et cela nous donne l’occasion d’admirer de magnifiques paysages du Nouveau Mexique et du Colorado (Santa Fé pour l’un, Papagosa Springs pour l’autre, entre autres). Mais si les paysages sont grandioses, les hommes de l’expédition n’en restent pas moins seuls : un plan (très) large nous donne une idée de l’échelle : au milieu de ces collines on distingue à peine ce groupe qui s’y déplace. Mais surtout, ces hommes sont abandonnés de Dieu. Blocker l’annonce dès le début. Et ce voyage ne sera qu’une confirmation de ce fait. Même si Blocker lit les prières pour chaque homme qui tombe pendant le voyage, jamais Dieu ne se manifeste. Son livre de chevet, d’ailleurs, n’est pas comme on aurait pu le penser une bible (la forme lui ressemble) mais le récit de Jules César, dans la langue !

Dernier élément de la non-présence divine : le ciel nuageux (et sombre) qui cache un soleil qui devrait être éclatant. Alors que naturellement (5), on devrait apercevoir les rayons qui transperce cette couverture, ici, rien.

Ne restent que les coutumes indiennes, respectées scrupuleusement même par Blocker.

 

Parce que si Ethan Edwards (chez Ford) n’avait aucun respect pour les traditions indiennes et était ce qu’on pourrait appeler raciste, Blocker ne l’est pas. En effet, un autre de ses compagnons d’armes, Henry Woodsen (Jonathan Majors), est un caporal noir. Et c’est lui-même qui l’a choisi pour l’accompagner, ce que Woodsen apprécie énormément. Les adieux forcés (encore une fois) entre ces deux hommes sont déchirants pour Blocker qui reconnaît en lui un véritable frère.

Et d’une manière générale, comme expliqué plus haut, il n’en veut pas aux Indiens parce qu’ils sont Indiens, mais seulement parce qu’ils ont été un temps ennemis.

 

Mais ce temps est passé, et Blocker, avec cette mission va atteindre (avec la rédemption, bien sûr) une mort honorable, l’aboutissement d’une carrière de soldat. Quand cette mission se finit, non seulement il sera sauvé, mais il aura tourné une page de sa vie, laissant derrière lui, définitivement, le soldat qu’il fut, criminel ou non, ce n’est plus qu’une affaire entre lui et sa conscience.

 

Un dernier mot encore, qui nous ramène à John Ford. En 1962 sortait L’Homme qui tua Liberty Valance, où on assistait à l’avènement définitif de la civilisation dans l’Ouest américain. Avec ce film, Scott Cooper met un terme aux guerres indiennes qui ont ensanglanté ce même Ouest pendant le XIXème siècle. Quand le film se termine, la paix est (enfin) arrivée, et chacun va vivre avec l’autre : autrefois ennemis, ces deux peuples vont pouvoir vivre ensemble et faire de l’Amérique ce qu’elle a toujours été (6).

 

 

(1) Avec en prime ici un plan qui rappelle la fin avec John Wayne qui se détache dans l’encadrement de la porte…

(2) Blocker a arrêté de compter il y a bien longtemps.

(3) Je sais, on y revient toujours. Mais que voulez-vous, ce n’est pas moi qui ai fait ce film.

(4) Contraint, évidemment

(5) Et dans chaque film hollywoodien qui nous montre un tel ciel.

(6) Cf. citation de DH Lawrence en introduction du film.

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