Elmer Prettywillie (W.C. Fields) est apothicaire (d’où le titre français), mais pas comme on l’entend en France. Aux Etats-Unis, le propriétaire d’un drug-store délivre bien sûr potions et remèdes, mais il sert aussi des milkshakes, vend des timbres et même des cigares : nous sommes en 1926, c’est- tout à fait légal.
Elmer est assisté d’une charmante serveuse, la belle Mildred (Louise Brooks), mais est surtout poursuivie par sa tante (Blanche Ring) qui n’a certainement pas le même âge, ni surtout le même charme.
Terminons enfin par sa famille : sa sœur Sarah (Mary Foy) et son neveu Mickey (Mickey Bennett).
Après un court-métrage où sa participation au scénario est occultée (1), Fields nous propose ici un scénario de long-métrage (son premier donc), aidé de quelques habitués mais surtout dirigé par Edward Sutherland, qui en est alors à ses débuts de réalisateur.
Et que Fields ait écrit le scénario se ressent énormément.
En effet, Fields prendra son essor et gagnera le haut de l’affiche à l’arrivée du parlant. Et cela se comprend quand on voit comment est traitée l’intrigue un tantinet légère qui nous est proposée.
Les meilleurs moments de son personnage sont hélas visibles sur les intertitres : Fields joue le plus souvent sur les mots, et le voir articuler ses répliques n’a pas le même effet que de les entendre en même temps…
Quoi qu’il en soit, ses futures victimes du parlant sont déjà là : la famille (sa sœur) et surtout les enfants (ici son neveu : un chiard braillard et insupportable).
Avec ce dernier, Elmer alterne les situations : il ne le supporte pas quand il veut dormir, mais s’associe avec lui contre les deux femmes susmentionnées (bien sûr, je ne parle pas de la belle Mildred).
Mais cela ne suffit pas pour un faire un bon film. Avec les réparties qui tombent un peu à plat, les divers gags visuels qui nous sont proposés sont sinon tirés par les cheveux, du moins systématiques, voire téléphonés.
Alors que dans le même temps, les grands noms du comique américain – Chaplin, Keaton & Lloyd (2) – sont en pleine évolution, recherchant une nouvelle subtilité, Fields lui est en retard. Le seul moment qui m’a vraiment fait rire, c’est la (presque) dernière séquence qui le voit revenir dans sa ville, dépité et surtout résigné à finir ses jours en prison (voir ci-dessous). Mais même cette séquence se termine platement.
Quant à la morale finale, signée par le bon Elmer, elle rejoint ce que j’écrivais plus haut (et plus tôt).
Alors on se dit que malgré tout, il y a la belle Louise Brooks. Mais son rôle est tout de même bien réduit et son rôle peu déterminant dans l’intrigue. Sa seule interaction notable : elle suggère à Elmer de laisser de la place à George Parker (William Gaxton) dans sa pharmacie.
Autrement, elle est la jeune beauté dont ce même Parker tombe amoureux. Un rôle à peine utilitaire donc, et qui nous permet de l’admirer en tenue de bain.
Bref, pas de quoi s’extasier sur sa prestation (3), puisqu’on pourrait presque retirer son personnage de l’intrigue sans la transformer…
Vous le comprenez, je ne suis pas emballé par ce film. J’ai déjà beaucoup de mal avec Fields dans ses films parlants, alors vous imaginez bien que ce rôle muet n’est pas spécialement à mon goût, son visage, qui est le vecteur privilégié du cinéma muet est peu expressif, son regard ne transmettant pas grand-chose.
Vous le direz que Keaton n’avait pas un visage expressif non plus. Mais je vous répondrai alors que les films de Buster sont construits sur cette apparente placidité. Apparente bien sûr, parce que les émotions sont quand même là.
PS : une moustache était-elle indispensable ?
PPS : 104 minutes, c’est tout de même bien long…
- Pool Sharks (Edwin Middleton, 1915)
- Ceci est un classement alphabétique, pas un ordre de qualité.
- Je ne remets pas en cause ses qualités esthétiques et plastiques : je l’ai toujours aimée…