La St Louis Midland Railroad rachète les terres des paysans du Missouri pour y faire passer le train.
Bien entendu, ce rachat se fait au minimum. Et bien entendu, ceux qui refusent sont maltraités.
C’est ce qui arrive à la ferme James. Mais Frank (Henry Fonda) et son frère Jesse (Tyrone Power) refusent de signer, rossant Barshee (Brian Donlevy*), le représentant des chemins de fer. S’ensuit une escalade de violence à la fin de laquelle Ma James (Jane Darwell, déjà la mère d’Henry Fonda…) et ce même Barshee trouvent la mort, ce dernier tué par Jesse.
Dès lors, la vie pour Jesse James ne sera plus qu’une longue cavale, avec, bien entendu, la mort au bout du chemin.
Quinze ans après The iron Horse (John Ford, 1924), la construction de ce même chemin de fer est vue du point de vue de ceux qui l’ont subie : les paysans expropriés pour une bouchée de pain par des hommes d’affaires peu scrupuleux. C’est ce qui arrive ici et qui devient l’explication du mauvais tournant dans la vie de Jesse W. James, le célèbre brigand bien-aimé. Parce que, malgré le Code Hays, il s’agit ici d’un film à la gloire de ce dernier. Et en plus, c’est en Technicolor !
Il y a un parti pris évident dans ce film : James n’est que la victime des circonstances. Et s’il a fait ce qu’il a fait (attaques de train, assassinats…), c’est avant tout de la faute de la compagnie de chemins de fer, représentée par son directeur fourbe : McCoy (Donald Meek).
C’est un point de vue. Ne négligeons pas tout de même le fait que Jesse James était un terrible hors-la-loi, ce que ce film a tendance à minimiser.
Mais c’est normal : c’est du cinéma. Et nous assistons à une fuite en avant – avec mort inévitable au bout - d’un personnage qui n’a plus rien à voir avec le modèle de la vraie vie.
Et en plus, c’est Tyrone Power qui l’interprète, secondé par Henry Fonda dans le rôle du grand frère fidèle, Frank. Surtout, James est avant tout un homme du Sud. Il y a du Rhett Butler dans l’attitude de Jesse : un jeune homme très bien habillé aux belles manières, affublé en plus d’une fine moustache, comme c’était la mode chez les jeunes premiers de Hollywood. Mais Jesse James est d’abord un homme d’honneur, tout comme Will Wright (Randolph Scott) qui vient l’arrêter. Il y a d’ailleurs de la grandeur lors de cette arrestation : James est volontaire et se plie aisément aux exigences de la situation. Alors pas étonnant qu’après la fourberie de McCoy, tout tourne au désastre. Mais là encore, ce n’est pas lui le responsable.
Mais c’est Wright qui a une vision des plus objectives de James, quand il s’adresse à Zee (Nancy Kelly), la femme de James : malgré le respect dans lequel il le tient, il est allé trop loin.
Henry King nous propose une très belle hagiographie de ce brigand : le casting est formidable, les couleurs ajoutant au flamboyant de la légende, faisant oublier sur le coup le véritable homme qu’était Jesse James.
Pourtant, c’est bien ce côté humain de Jesse James que King nous montre : sa réaction aux injustices, son impulsivité, mais aussi son humanité : quand son fils joue, avec des petits voisins, à Jesse James et qu’il est « tué ». C’est là qu’il prend toute sa dimension : il va changer de vie. Et c’est là qu’intervient le deuxième méchant du film (après l’infâme McCoy) Robert Ford (John Carradine), celui qui n’apparaît pas sur la stèle funéraire de James…
NB : Morris et Goscinny en tireront un bel album de BD (Jesse James, 1969), remettant un peu Jesse James à sa véritable place de desperado, sans oublier toutefois leur humour habituel.
* Brian Donlevy est caricaturé par Morris dans Le Fil qui chante (1977), dans le rôle de l’infâme (encore une fois) Bradwell.