C’est une histoire presque ordinaire. Malheureusement.
Muriel (Catherine Deneuve) reçoit la visite de son petit-fils Alex (Kacey Mottet-Klein) avant qu’il parte au Canada.
Sauf qu’il ne part pas au Canada : il a l’intention d’aller en Syrie.
On pourrait presque parler d’un film courageux, que celui que Téchiné nous propose ici. L’actualité de son intrigue en est la cause : depuis le 7 janvier 2015, c’est un sujet brûlant en France, et c’est peut-être pour cela qu’il situe son intrigue fin mars 2015 (1). Sinon, pourquoi l’avoir daté ainsi : je ne vois aucune justification pertinente : nul besoin de datation pour rendre son sujet actuel. Au contraire, le circonscrire dans le temps (5 jours) peut – plus tard – en faire un film « daté », et amoindrir son aspect actuel.
Il a usé d’un grand soin pour décrire ce jeune homme qui s’est radicalisé sans véritable raison. En effet, nous assistons aux derniers préparatifs – physiques et moraux – de ce garçon qui semble avoir trouvé un sens à sa vie. Parce qu’il ne faut jamais oublier que ses pairs sont persuadés d’être dans le vrai, et que leur combat est on ne peut plus juste.
A ses côtés, la jeune Lila (Oulaya Amamra) est un personnage ambigu très intéressant. Aide à domicile, elle se trouve confrontée à des situations qui ne rentrent pas toujours dans le cadre religieux qu’elle s’est donné : des vêtements qui ne laisse paraître qu’un minimum de peau, refus de laver les hommes. Mais comme elle dit, elle s’adapte, s’arrange avec ses collègues.
Bref, elle masque le plus possible sa radicalisation.
Bien sûr, le déclic vient de Muriel, très rapidement dans le film, quand elle surprend Alex en train de prier en arabe.
Sa première réaction est des plus normales : il n’y a pas de jugement quant à sa croyance, même si on y sent une certaine réticence. Cette réticence va d’ailleurs se développer tout le long du film, jusqu’à la prise de décision inévitable.
Et on a beau entendre parler d’histoires similaires, on n’est jamais prêt à un tel événement. Comme toujours, on croit que « ça n’arrive qu’aux autres »
Et c’est peut-être là qu’il faut chercher la thèse du film : Alex, malgré le fait qu’il ait perdu sa mère quelques années plus tôt (un accident ?), n’a pas le profil qu’on a tendance à imaginer pour ces individus.
C’est aussi la rencontre de Muriel avec Fouad (Kamel Labroud), un repenti, qui va être déterminante : ce jeune homme explique avec justesse le processus qui amène à la radicalisation. S’il est d’origine maghrébine, cela n’explique en rien son désir de djihad : c’est le désir d’autre chose qui l’a avant tout motivé. Tout comme Alex, il aspirait à un changement de vie, dû à un rejet de la société qu’il connaissait.
Mais surtout, c’est la promesse d’une autre vie – une assurance-survie ? – qui était le moteur de sa motivation. Sans oublier le prestige inhérent au statut, admiré par celles et ceux qui pensent comme lui.
Mais le personnage principal, c’est Muriel.
Le problème avec Catherine Deneuve, c’est qu’elle a interprété si souvent des rôles de bourgeoise plus ou moins parisienne, qu’on a du mal à la considérer comme une propriétaire de chevaux et de cerisiers. Et cela ne vient pas seulement de son manque flagrant d’accent du sud-ouest. D’autant plus que Muriel est née en Algérie qu’elle a quittée quand elle était petite.
Sa prestation est tout de même très juste, même si j’aurais préféré une actrice un peu plus authentique.
On a du mal à croire qu’elle tient une école d’équitation tant son rapport aux chevaux est distant. Et c’est bien dommage parce que sa personnalité crée une distance avec les autres protagonistes. Sa réponse à Alex qui lui demande si elle est heureuse en est un exemple caractéristique.
André Téchiné nous propose un film plutôt ambitieux mais avec certains éléments dont on peut douter de la pertinence. La fête familiale – la famille de Youssef (Mohamed Djouhri), le partenaire de Muriel – en est un bel exemple. Je pense que la présence du jeune Alex aurait donné une autre dimension à cet événement. Youssef est musulman, mais on peut voir sa petite-fille danser en se trémoussant, et la présence du jeune homme à ce moment-là aurait pu amener des réactions ou/et un débat intéressant.
Mais non.
On reste alors un peu sur sa faim, regrettant ces occasions ratées qui auraient pu donner une dimension plus importante au film et amener une réflexion au spectateur comme le fait un autre film mettant exergue la religion et qui lui aussi est sorti récemment : Grâce à Dieu.