C’était l’époque des R6, R16, de la 304, sans oublier la mythique DS. C’était un temps où on trouvait encore des terrains vagues dans Paris, où les bidonvilles n’avaient pas encore disparu de la banlieue, et Pompidou venait de disparaître. C’était 1974, et Jacques Champreux proposait à la Télévision Française 1 une série inspirée (librement cela va de soi) des aventures de Fantômas (1) : cet Homme sans visage est lui aussi un véritable génie du crime, motivé par le désir de dominer le monde, ou tout au moins celui qui l’entoure, celui qu’on nommait autrefois « Royaume d’Argot », la pègre.
A cette volonté de puissance s’ajoute une quête autant lucrative que spirituelle : le trésor des Templiers ! (rien que ça)
Comment ? En régnant sur une armée de robots humains, fruit du travail du docteur Dutreuil (Clément Harari), autre psychopathe préalablement interné.
Pour contrer ces mégalomanes dangereux, la police est bien désemparée et doit compter sur l’aide précieuse de Paul de Borrego (Ugo Pagliai) et sa fiancée Martine Leduc (Josephine Chaplin), ainsi que de leur ami détective Séraphin Beauminon (Patrick Préjean), le dernier des poètes parnassiens. Tout un programme !
Un programme qui ne réussira malheureusement pas à tenir en haleine les Français entre mai et juillet 1975.
Cette désaffection du public est bien dommage, parce que le réalisateur qui a porté ce projet avec Champreux n’est autre que Georges Franju et l’esthétisme général de la série va s’en ressentir. Certes, la filiation avec Fantômas est très flagrante, mais coupler cette volonté de puissance avec les Templiers était une bonne idée, même si on peut s’amuser des théories avancées sur l’Ordre et sa supposée survivance (2). Et Champreux n’a pas chômé, proposant une histoire haletante aux multiples rebondissements, assurant de plus le rôle-titre qui lui permet de se grimer en différents protagonistes, de la vieille fille (Melle Ermance) au magnat de l’industrie Léopold de Baklava, et j’en passe.
Comme annoncé dans le premier paragraphe, ce feuilleton est magnifiquement situé dans son époque. Outre les voitures, ce sont les tenues que portent les personnages ou encore les décorations intérieures (2) qui sont caractéristiques de la période. Tout comme le jeu des différents interprètes (et surtout du doublage, puisque c’est une production internationale européenne) qui n’est pas sans rappeler celui des Rois Maudits deux ans plus tôt. Mais alors que la série inspirée par les romans de Maurice Druon se prêtait bien à ce genre de scénographie, ici, le jeu des différents acteurs et actrices nous apparaît fort empesé. Et ce n’est pas tout. Non seulement le débit oral est un tantinet haché (euphémisme parfois), mais les déplacements et actions des personnages le sont tout autant, ainsi que les différentes prises de vue qui les accompagnent.
Cela a pour résultat une impression de longueur (qui n’est pas toujours une impression) et peut amener à la lassitude. Heureusement qu’il y a cette intrigue complexe et ce Fantômas moderne au masque rouge.
Et si la distribution est internationale (européenne surtout), on peut, tout comme moi, avoir le plaisir d’y retrouver quelques personnalités de l’époque tel Jean Saudray (Le Sacristain) ou Patrick Préjean qui est certainement l’un des personnages les mieux réussis. Détective aussi réussi que poète, il est bien sûr maladroit (4), mais n’ »en est pas moins un personnage courageux et astucieux. IL faut dire que Séraphin n’ayant aucune chance avec Martine (qu’il a courtisée), n’a plus d’autre choix que d’être brillant dans sa partie, ce qu’il fait très bien.
On appréciera aussi la présence de Gert Fröbe dans le rôle du commissaire Sorbier, bien loin des policiers habiles et autres enquêteurs qu’on peut découvrir à la même époque à la télévision.
Mais c’est certainement cette concurrence télévisuelle qui a fait passer au second plan cette série qui vaut tout de même le coup d’œil : comment rivaliser avec Columbo, Amicalement Vôtre ou encore Chapeau Melon et Bottes de cuir dont les péripéties sont parfois tout aussi étonnantes mais avec un rythme tout de même beaucoup plus naturel ?
- Saurez-vous retrouver la référence explicite ?
- A ce propos, je ne peu x que vous conseiller la lecture du livre d’Alain Demurger Les Templiers (1985-2007)
- La tapisserie a parfois tendance à piquer les yeux…
- Préjean a une aura comique dans les divers arts dramatiques tout comme sa voix, avec la quelle il a participé à de nombreux doublages.
/https%3A%2F%2Fi.ytimg.com%2Fvi%2FbUBiN27V_b4%2Fhqdefault.jpg%3Fsqp%3D-oaymwEWCKgBEF5IWvKriqkDCQgBFQAAiEIYAQ%3D%3D%26rs%3DAOn4CLAVVGzoDdFGfq_S1F076oOQCgzzMQ%26days_since_epoch%3D19763)
L' Homme sans visage (série, 1975)
A Paris, l'homme sans visage, caché sous sa cagoule rouge ou agissant déguisé sous diverses identités, a pour dessein de trouver le trésor des Templiers afin...
https://www.youtube.com/playlist?list=PLlbwnSVgu99uaI_T4LtHOvGzHiXqR4rwv