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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Julien Duvivier
La belle Equipe (Julien Duvivier, 1936)

Enfin !

Enfin, nous pouvons revoir ce merveilleux film. Les batailles juridiques, les accords des héritiers, tout ça, c’est fini.

Alors on savoure…

Ils étaient cinq garçons. Unis, comme les doigts de la main :

  • Jean, dit Jeannot, peintre en bâtiment (Jean Gabin) ;
  • Charles, dit Charlot, menuisier (Charles Vanel) ;
  • Raymond, dit Tintin, couvreur (Raymond Aimos) ;
  • Mario, maçon (Raphaël Médina) et accessoirement espagnol interdit de séjour suite à ses positions politiques (nous sommes avant la guerre civile) ;
  • Jacques, électricien (Charles Dorat).

Mais nous sommes dans les années 1930, et comme beaucoup de gens à la même époque, ils ne sont plus que chômeurs. Et c’est bien connu :

« C’est toujours les mêmes, les chômeurs. (le patron du Roi d’Angleterre)

- Comme les salauds… (Jean) »

Mais ce soir, ils ont gagné. Leur numéro de loterie est sorti, alors fini la galère, bienvenue dans un monde de félicité(s).

Ensemble, ils décident d’ouvrir une guinguette (sur les bords de la Marne, évidemment) à partir des restes d’un ancien lavoir qu’ils retaperont. Et ça tombe bien, ils sont du bâtiment !

Alors ils se mettent au travail. Et quand tout se présente bien, la tempête se lève et emporte leurs illusions.

Parce que Mario est fiancé au premier élément féminin du film, Huguette (Micheline Cheirel).

Et dans ce film, les éléments féminins sont primordiaux.

A cause d’Huguette, ou plutôt parce qu’il l’aime, Jacques partira au Canada. Parce qu’on ne fait pas ça aux copains. Restent quatre copains.

Et puis l’ouverture approchant, on assiste à une répétition générale : ils invitent les copains et font la fête. Mais Tintin monte sur le toit planter le drapeau des travailleurs, la musique commence, il se met à danser… Et il tombe, se tuant sur le coup. Restent trois copains…

L’autre élément féminin, c’est Gina (Viviane Romance). Et si Huguette est une bonne petite fiancée, dévouée, faisant la cuisine pour les garçons, il en va tout autrement de Gina. Ancienne femme de Charles, elle rapplique quand elle entend dire que la situation financière de son ex-mari a changé. Autant le dire tout de suite, c’est une sacrée salope ! Mais alors, quelle actrice ! C’est par elle et à cause d’elle que ce film, dont nous avons enfin la fin prévue par Spaak et Duvivier, se termine aussi mal. Parce que ce n’est un secret pour personne : malgré le souhait des producteurs de donner une fin heureuse, nous sommes dans les années 1930, en France, alors ça se termine mal.

Ce film, avec Le Crime de Monsieur Lange (Jean Renoir, 1937), est celui qui rend le mieux une époque : celle de la France des années 30. Celle du Front Populaire : « ça va changer » crie Jean au patron de son gourbi. C’est une période d’espoir et de partage : la fête improvisée après le résultat de la loterie est un très bel exemple. Ce sont ces gens-là qui ont amené le Front Populaire au pouvoir. Et on peut comprendre alors, la volonté de trouver une fin heureuse à cette histoire d’amitié.

Mais ce film est prémonitoire de la situation politique française : passée l’euphorie de la victoire électorale, la situation se délitera peu à peu pour finalement arriver au coup d’état de Pétain en juin 1940. Il y a, ici, tour à tour l’exaltation de la victoire (à la loterie) et la désillusion : « C’était pourtant une belle idée », répète Jean.

Et puis il nous reste les dialogues de Spaak, dans la lignée de Prévert et Jeanson, autres grands dialoguistes de la décennie :

« Je suis chez moi ! (le patron de l’hôtel)

- Dommage, c’est dégueulasse. » (Jean)

« Je chôme donc je reste. » (Jean)

« La belote et l’amour, c’est des choses qui s‘font en silence, ou le plaisir fout le camp. » (Tintin)

« Mais bougre d’âne, quand on est bouché comme ça, on joue aux billes, ou on fait de la politique, mais on touche pas aux cartes ! » (Tintin)

Quatre-vingts ans après, le plaisir est intact !

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