Madame de Lafayette est surtout célèbre pour La Princesse de Clèves, roman primitif français de grande qualité que même un petit président emportait en vacances ; mais c’est aussi synonyme d’ennui chez les lycéens de première que cette histoire d’un autre âge a tendance à dépasser (1).
Madame de Lafayette, c’est aussi l’auteure de Madame de Montpensier, autre histoire d’amour malheureux·se beaucoup plus noire que la précédente, écrite une quinzaine d’années plus tôt, dans laquelle elle peint des amours impossibles dans le milieu des grands, pendant les guerres de religion.
Nous allons donc suivre le destin – tragique est-il besoin de le préciser – de Marie de Mézières (Mélanie Thierry), mariée contre son gré au prince de Montpensier (Grégoire Leprince-Ringuet), alors qu’elle aime le Duc de Guise (Gaspard Ulliel).
A cette histoire d’amour compliquée s’ajoute le duc d’Anjou (Raphaël Personnaz), futur roi Henri III, qui en pince pour la dame, et surtout un mentor désabusé, le comte Philippe de Chabannes (Lambert Wilson), qui tombe lui aussi sous le charme de la princesse.
Et tout ceci dans la période qui va de 1567, quand la guerre entre les protestants et catholiques reprend, jusqu’aux lendemains de la nuit de la Saint-Barthélemy (25 août 1572), cinq ans plus tard.
Tavernier retourne dans le film en costumes, seize ans après La Fille de d’Artagnan, mais surtout 35 ans après Que la Fête commence, dont on retrouve l’aspect tragique d’une période troublée. A cela s’ajoute une réflexion sur la condition féminine au seizième siècle qui était franchement peu reluisante, comme nous pouvons le voir dans le scénario de Jean Cosmos, vieux complice de Tavernier, et dont ce sera la dernière participation au cinéma (il va sur 87 ans quand le film sort).
Nous sommes bien loin des films de cape et d’épée habituels où la jeune héroïne va finalement épouser celui qu’elle aime : Marie doit se soumettre et épouser un étranger, avec l’éventualité de l’aimer à un moment. Et on aurait presque pu y croire s’il n’y avait autour du couple ces personnalités fortes et importantes de l’époque : Guise et Anjou. Et Tavernier se veut prémonitoire dans la relation qu’il présente entre ces deux hommes : Anjou menace à plusieurs reprises Guise de l’éliminer. Doit-on y voir d’ailleurs une pointe d’ironie dans l’avant-dernière séquence qui se passe à Blois où Guise va sceller son destin en épousant Catherine de Clèves (2) : c’est là que les Quarante-cinq l’assassineront sur ordre d’Anjou devenu Henri III.
Toujours est-il qu’en plus de sa condition misérable de femme, elle doit en plus affronter un mari jaloux – comment ne pas l’être face à de tels prétendants – qui ajoute à son tourment.
Bien sûr, Mélanie Thierry est admirable de bout en bout, son regard bleu pâle accentuant le côté tragique de sa vie malheureuse. A ses côtés, on trouve un Lambert Wilson impeccable en témoin de cette histoire – ce personnage a été inventé par Madame de Lafayette – qui se retrouve au carrefour de tous ces destins : il fut le maître de Montpensier quand il était jeune homme ; il enseigne à la jeune princesse ; et il se retrouve malgré lui entremetteur dans ces histoires d’infidélité. Quant aux deux autres « grands » de l’histoire, Gaspard Ulliel, même s’il n’est pas aussi grand que l’était Henri de Guise (il lui manque une vingtaine de centimètres semble-t-il), possède tout de même le charme du Balafré, et on pardonnera à Raphaël Personnaz d’avoir les yeux bleus quand son personnage les avait très sombres (et même pas bleus !), il est un Henri de France lui aussi très séduisant, qui rappelle celui qui nous est présenté par Robert Merle dans Fortune de France.
Face à ces deux personnages de haute lignée, Grégoire Leprince-Ringuet réussit tout de même à s’imposer dans cette histoire complexe, devenant l’instrument du destin de Chabannes qui se retrouvera au mauvais endroit et au mauvais moment à cause de lui.
Au final, c’est un beau film qui nous est ici proposé, reconstituant une période troublée et peu glorieuse de l’histoire de France : la guerre en toile de fond rythme le film et les rares incursions qui nous sont offertes restituent très bien la sauvagerie de cette époque de fanatisme religieux, qui s’est répétée (malheureusement) de nombreuses fois depuis, jusqu’à aujourd’hui.
- J’ai fait partie de leur nombre.
- Bien que nous sommes dans une histoire de Madame de Lafayette, c’était son vrai nom !