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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Jean Valère, #Guerre
La Sentence (Jean Valère, 1959)

Une heure, dans la vie d’un homme, ce n’est rien : 1/8760 d’une année, alors sur toute une vie…

Mais parfois, une heure, c’est tout. C’est là que tout e gagne, ou que tout se perd.

Ici, tout se perd.

Imaginez : un jour de septembre 1944, sur la côte normande pas loin de Cherbourg, un officier allemand est tué par une grenade, lancée d’un balcon. Les soldats fouillent les rares habitations occupées, et arrêtent ceux qu’il trouve, et ceux qui s’enfuient.

Ils sont cinq, enfermés dans une cave, à attendre l’heure de l’exécution.

 

La « sentence », c’est donc la condamnation à mort de ces cinq personnes : Georges Lagrange (Robert Hossein), Catherine Desroches (Marina Vlady, alors Mme Hossein à la ville), Antoine Castellani (Roger Hanin), Jeanne Boissard (Béatrice Bretty) et François Lombard (Lucien Raimbourg).

Si quatre d’entre eux sont des résistants, François lui, a juste garé sa charrette après le passage d’un autre résistant pourchassé. Il a payé pour celui-ci.

Mais le film de Jean Valère est autre chose qu’un film sur la résistance.

 

Avec ce film, Jean Valère se lance enfin dans la réalisation, après plusieurs expériences en tant qu’assistant-réalisateur, avec notamment Robert Hossein. Il se paye le savoir-faire d’Henri Decaë pour la photo et nous propose un film magistral à plus d’un point.

Ayant participé à la Résistance dans le Vercors, il propose une vision du conflit fort différente des autres films. Rien de spectaculaire ni de glorieux, seulement des hommes et des femmes qui assument plus (Antoine) ou moins (François) leur sort et surtout leurs actions.

 

Le rythme est lent et pourtant, la majeure partie du film s’étend sur seulement une heure : de 6 heures (du matin), heure où les cinq personnes apprennent leur sentence, et 7 heures, horaire de son exécution.

Si François est étranger au réseau dont font partie les autres, il n’en demeure pas moins connu d’eux, et ne cache pas ses sympathies pour leur(s) action(s). Mais malgré cela, il est tout de même l’un des condamnés.

Après un premier quart d’heure (environ) où l’attentat se met en place et se produit et où les différents personnages sont emmenés dans une cave, Valère arrête le temps, ou plutôt le maîtrise.

A partir du moment où Antoine traduit la sentence du commandant allemand (Hans Verner), il ne reste qu’une heure à vire et nous allons la vivre avec eux, sans distorsion du continuum temporel.

En effet, à cet instant, Valère se donne comme contrainte la règle des trois unités du théâtre classique :

  • unité de temps : une heure ;
  • unité de lieu : la cave et la plage attenante ;
  • unité d’action : nous vivons tous les moments de cette ultime heure.

C’est absolument magnifique de narration et aussi de jeu d’acteurs. Non, Roger Hanin n’a pas toujours été Navarro ou quelque autre personnage à la truculence pied-noir. Ici, il est un chef de réseau, conscient de ses responsabilités et les assumant jusqu’au bout, acceptant aussi l’injustice faite à François.

Robert Hossein interprète l’étranger de cette équipe : cela ne fait qu’une semaine qu’il est là, engagé dans la Résistance pour donner un sens à sa vie. Mais il n’est qu’humain et refuse cet ultimatum, ayant comme tout un chacun la peur de mourir.

Quant à Marina Vlady, elle est la femme, amoureuse (d’Antoine) mais déterminée, malheureuse de mourir bien sûr, mais ce sera avec l’homme qu’elle aime.

Béatrice Bretty et Lucien Raimbourg, eux, sont d’une certaine manière les victimes collatérales de ce conflit, complice plus ou moins volontairement, mais acceptant eux aussi leur sort inéluctable.

 

En plus de la règle des 3 unités, Valère construit son intrigue en distillant des micro-événements, alternant l’espoir et le désespoir jusqu’au bout, ses personnages conservant (presque) l’espérance illusoire de s’en sortir.

C’est une série continue d’alternance entre une étincelle d’optimisme éteinte par la réalité abrupte (pessimiste), ne donnant jamais la possibilité d’embraser leurs espoirs.

Il n’y aura aucune chance, malgré les Alliés qui s’approchent, ou les camarades qui essaient de les délivrer.

 

C’est aussi un film où la bande-son est très importante. En effet, les silences sont aussi éloquents que les paroles échangées : paroles de regret, d’espoir, de résignation ; et le silence lourd du destin funeste qui les attend.

De plus, aucun compositeur n’a écrit une partition pour ce film : c’est le Requiem de Mozart qui accompagne ces personnes à la mort, ainsi que l’avait voulu le grand Wolfgang Amadeus.

 

En moins de 80 minutes tout est dit, tout est consommé : personne n’est épargné.

 

 

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