Avec le retour en force d’Alexandre Dumas sur les écrans français, et surtout le superbe Comte de Monte-Cristo de Mathieu Laporte et Alexandre de la Patellière, il m’a paru urgent de revoir la version du père de ce dernier, Denys, diffusée sur les petits écrans français fin 1979. L’histoire de cette vengeance implacable m’avait marqué à cette époque, et quarante-cinq ans après, mes sentiments sont les mêmes, et la prestation de Jacques Weber (Edmond Dantès) est à ce jour la meilleure que j’ai pu voir (1).
Mais souvenons-nous.
Edmond Dantès est envoyé au château d’If suite à un complot orchestré par l’infâme Danglars (Roger Dumas), avec la complicité de Caderousse (Claude Brosset) et Fernand Mondego (Manuel Tejada), le jour de ses noces avec la belle Mercedes (Carla Romanelli), et celle indispensable du substitut du procureur, Villefort (Jean-François Poron).
Dantès y rencontrera l’abbé Faria (Henri Virlojeux) qui lui permettra de retrouver un trésor perdu, celui de l’île de Monte-Cristo.
Une quinzaine d’années après son incarcération, Dantès débarque à Paris pour châtier ceux qui lui ont volé sa vie (les quatre) et sa fiancée (Mondego).
Bien évidemment, Denys de la Patellière n’a pas à sa disposition les moyens numériques qu’aura son fils, mais sa version du roman de Dumas reste magistrale. Il prend le temps de bien exposer les éléments qui vont entraîner cette terrible vengeance (ruine, déshonneur, mort), et en particulier le complot ourdi par l’ignoble Danglars : ce sera d’ailleurs lui qui conclura cette histoire (il survit !), Monte-Cristo s’occupant des quatre complices dans l’ordre des responsabilités, se gardant le comptable devenu banquier pour la fin.
De la même manière, il nous montre comment Monte-Cristo avance progressivement ses pièces dans cette partie d’échec qu’il est en train de jouer. Chacun des complices étant une pièce maîtresse adverse qu’il va éliminer avant de mettre Danglars mat. Ce sont différentes personnes qu’il va utiliser comme des pions : certaines iront à dame – Maximilien Morel (Diogo Dória) et Valentine de Villefort (Marie Matile) ; d’autres seront sacrifiées – Benedetto (Gerhard Acktun), Mercedes…
Et au final, comme on dit dans ces cas-là, c’est un mat imparable que Monte-Cristo inflige à ses adversaires, distribuant à ses adversaires un châtiment (mérité) à la hauteur de sa position sociale.
Bref, un coup de maître.
Et Jacques Weber traduit magnifiquement les sentiments de cet homme injustement puni, à qui on a volé quatorze ans de sa vie, par jalousie (Danglars, Mondego), bêtise (Caderousse) et lâcheté (Villefort). Son personnage possède la froideur implacable de la Némésis antique : cette déesse grecque de la juste colère et du châtiment céleste qui rétablit d’une certaine manière l’équilibre. Bien sûr, Dantès va un petit peu plus loin…
A ses côtés, on ne peut que saluer la prestation de Roger Dumas, en rondouillard bourgeois parvenu, pour qui une seule chose compte : l’argent. Pour elle il est prêt à tout et non seulement il le dit, mais il le fait. Jean-François Poron est lui aussi un Villefort abject à souhait, dont la lâcheté n’a d’égale que sa morgue : tout comme les deux autres qui ont réussi (Caderousse est à part), Villefort ne reconnaît pas Dantès dans cet homme richissime venu de nulle part. Il faut dire que nous sommes dans une partie de la société où l’argent ouvre toutes les portes et fait oublier ceux qui n’ont pas eu la fortune (c’est le cas de le dire) de naître dedans. (2)
Quant aux autres personnages principaux, le doublage nous empêche d’apprécier à leur juste mesure les prestations des différents interprètes. Mais ne nous plaignons pas trop, le doublage français est l’un des meilleurs au monde.
Quoi qu’il en soit, cette version internationale reste, à mon avis, l’une des plus belles adaptations du chef-d’œuvre de Dumas.
- Je n’ai pas encore eu la possibilité de voir celle de Louis Jourdan dans la version de Claude Autant-Lara, dont on m’a dit du bien.
- Seule Mercedes le reconnaît (presque) tout de suite.