Premier long métrage de Besson, sorti en 1983, il s’agit – étonnamment – d’un film muet. Muet avant tout parce que ses personnages ne peuvent pas parler. Alors ils grognent ou sifflent.
Autre particularité, il est tourné en noir et blanc.
Et c’est un film de science fiction. Post-apocalyptique, plutôt.
Dans un film d’anticipation, chaque scène est prétexte à une extrapolation sur ce que pourrait être le monde plus tard. Ici, rien.
Rien ne nous montre que le temps a avancé.
Seule la météo nous indique que tout est détraqué : il pleut des poissons et des concrétions de la taille d’un ballon.
Pour le reste, rien. Sauf… Il n’y a pas de femme !
C’est un monde d’hommes, des vrais : des barbares, quoi.
Pour le reste, nous sommes en 1983. Même pas en 1984 cher à Orwell.
Toutefois, la comparaison avec 1984 n’est pas si bête.
En effet, nous savons tous que George Orwell a écrit ce roman en 1947 et l’a intitulé en inversant les deux derniers chiffres de l’année à venir. Pour le reste, il s’agit d’une extrapolation totalitaire basée sur l’Angleterre d’après-guerre. [Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Anthony Burgess dans 1985]
Alors oui, nous sommes dans une anticipation de 1983. Rien n’a changé. Les bâtiments sont les mêmes que ceux que nous connaissons, mais un peu délabré.
Les téléphones – et c’est très amusant – sont ceux que livrait la Poste quand on accédait à une ligne : gris avec un cadran et un fil entortillé.
Quelle musique écoute-t-on ? La musique des années 80 (Serra), grâce à une cassette sur un petit magnétophone monophonique. On a même droit à la bande qui s’emmêle.
Et si on veut des brûleurs à gaz, on va chez Darty !
Et l’histoire ? « L’Homme » est recueilli par le « Docteur » afin d’échapper à « la Brute » qui est encore plus barbare que les autres.
Mais c’est le vieux qui est le plus intéressant. Il représente le passé, la civilisation : il peint, il a des manières à table, il prépare le jeune homme à sa rencontre avec la femme.
Et c’est là qu’est la contradiction : cet homme, qui semble éduqué et a des goûts esthétiques sûrs, séquestre une jeune femme dans une chambre d’hôpital !
Alors, quid des femmes ?
Elles sont deux. On ne fait que les apercevoir. Il n’y a pas de place pour elles. Elles ne sont qu’une récompense pour l’Homme. C’est un point de vue.
La vision de Besson des hommes, si elle est pessimiste, est tout de même assez simpliste. Le contact ne se fait que par la violence. C’est elle qui a remplacé la parole.
Oui, seule la violence compte. A ce propos, on se demande quelles sont les motivations de la Brute, si ce n’est le sadisme. Il n’y a aucune véritable raison à sa propre violence. Même pas une quelconque récompense, ou un désir. Non. Seulement la violence.
Dans son premier long métrage, Besson nous expose quelle sera sa méthode dans les années à venir : une recherche esthétique accompagnée d’une musique qu’on n’est pas obligé d’apprécier, avec en prime un goût fortement marqué pour l’inutile. Un exemple ? Un plan sur les pieds de Jean Bouise qui monte sur un seau pour peindre.