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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Musique, #Opéra, #Etienne Perruchon
Le septième Continent (Etienne Perruchon, 2017)

Hier, Etienne Perruchon est mort. Il avait 60 ans.

C’était un compositeur généreux, dans sa musique comme en dehors. En tout cas, c’est comme ça que je l’ai ressenti, et je ne suis très certainement pas le seul.

La première fois que je l’ai rencontré, c’était à une des nombreuses répétitions du septième Continent, qu’il avait écrit avec Jeanne (1), son épouse, pour les élèves des classes musicales de Saint-Nazaire : il a eu une réaction formidable pour nous tous qui déchiffrions l’un des numéros phares de l’œuvre, le Chant d’Ulysse (2). Il nous remerciait de mettre en vie ce qu’il avait écrit, nous lui donnions corps.

 

Il faut dire que Le septième Continent fut un pari (presque) insensé, né d’une rencontre : celle d’Etienne et de Saint-Nazaire et en particulier certains de ses musiciens.

Il était alors question de créer un opéra (chose peu courante au 21ème siècle) ; sur une scène nationale (Le Théâtre de Saint-Nazaire) ; avec de jeunes élèves (ceux du collège Jean Moulin) dans la même ville.

A cela s’ajoutèrent un chœur mixte adulte, un orchestre symphonique et un bagad !

 

Bien sûr, ce fut un triomphe. Mérité.

Mais pour tous ceux qui y ont participé, c’est la rencontre de ce grand musicien qui fut décisive : enfin on allait interpréter une œuvre d’un compositeur connu, qui plus est vivant !

Cette rencontre fut belle et plaça sous le signe de l’émotion ce grand projet. Régulièrement, Etienne venait assister aux répétitions, donnant des conseils, modifiant certains passages – voire les enlevant, comme la fin initiale – ajoutant une transition pour laisser le temps aux décors de s’installer…

 

Et surtout, c’est l’émotion qui l’étreignit à plusieurs moments bien avant les représentations.

La première fois que nous avons enchaîné toutes les pièces de l’œuvre, dans une salle de spectacle où le chœur était côté public. Etienne n’a pas pu se contrôler et a pleuré alors que nous entonnions une dernière fois le chant d’Ulysse, avec tous ces interprètes qui n’avaient qu’un seul désir : celui d’arriver à rendre belle – musicalement – cette œuvre qui était travaillée depuis plus de 9 mois alors.

Mais ça, ce n’était rien, à côté de ce que nous attendait dans les mois suivants : il fallut mettre en scène l’œuvre et donner une vie physique à cet opéra.


Et le 20 mai 2017, après quatre représentations, se tenait la dernière : celle qui allait ensuite nous séparer, chacun reprenant sa vie normale, interrompue le temps d’un moment musical d’une très grande émotion.

Et sur le film (vidéo) qui fut tourné ce dernier soir, nous retrouvions intacte cette émotion qui nous avait étreints pendant ces mois de travail et les quatre représentations précédentes.

Le Chant d’Ulysse après le ras de marée, la Chanson de Lola (2) avec les enfants, le final renforcé par le bagad : tout était là pour partager ce moment d’émotion avec un public conquis mais surtout impressionné par la qualité du spectacle.

Ce fut aussi pour certains spectateurs de découvrir l’opéra pour la première fois : ses jeux de scènes ; son ouverture qui expose les différents thèmes musicaux et l’intrigue ; ses airs ; ses récitatifs souvent difficiles à chanter – celui de Tristan (2) ou les éléments comiques du maire (2) ; et bien sûr l’émotion inévitable (3).

 

Ce fut un spectacle inoubliable, nous faisions corps et interprétions avec beaucoup de fierté cette œuvre magnifique, malgré les difficultés que nous avons rencontrées pendant son élaboration, heureux d’offrir à Etienne cet immense moment de partage.

Si on va au bout du film, alors que les saluts s’enchaînent, on peut à nouveau voir Etienne s’essuyer les yeux après une dernière reprise du Chant d’Ulysse, alors que les spectateurs saluent tous ces gens heureux d’avoir participé à un tel événement.

 

Aujourd’hui, je suis triste que nous ayons perdu Etienne, mais comme beaucoup le disent : il nous reste sa musique, qui continuera d’être jouée, et ce film que je continuerai de revoir, ajoutant un zeste de nostalgie à cette œuvre sublime et émouvante.

 

Merci Etienne.

Adieu.


 

  1. J’ai une pensée pour Jeanne, son épouse, sa collaboratrice et surtout sa complice…
  2. Ulysse est interprété par Fabrice Maurin ; Lola par Ombeline Guetny ; Tristan par Martin Barigault ; le Maire par Marc Augé.
  3. Je sais, je me répète. Ce n’est pas de ma faute si cet opéra fut émouvant pour les spectateurs et les différents interprètes. Jusqu’à la dernière répétition j’ai vu des choristes essuyer une larme pendant La Découverte d’Ulysse, où ce dernier explique ce qu’est ce fameux « septième continent ».

 

Etienne Perruchon et votre serviteur après la dernière, le 20 mai 2017

Etienne Perruchon et votre serviteur après la dernière, le 20 mai 2017

PS: en prime, un acrostiche que j'avais réalisé à la suite de la dernière. (petits gâtés!). [Acrostiche en alexandrins autour de l'opéra]

 

                                        Le moment est venu de nous dire adieu,

                                        Et beaucoup d'entre nous ont les larmes aux yeux.

                                        Savoir que c'est fini, que la vie continue,
                                        Et que l'Alunéa ne se visite plus :
                                        Plus de chant de Lola, disparus les poissons,
                                        Tout le monde retourne à ses occupations.
                                        Il nous reste toujours ce fabuleux voyage
                                        Et ces moments vécus, cette suite d'images.
                                        Magnifique aventure, expérience magique,

                                        Ensemble, réunis, nous l'avons fait unique :
                                        Ce spectacle envoutant, cette intense passion,
                                        Où le chant et le jeu amènent l'émotion.
                                        Nous l'avons, tous les soirs, rejoué de bon cœur,
                                        Tous unis sur la scène : ensemble on a moins peur.
                                        Il est temps maintenant de refermer le livre :
                                        Nous devons malgré tout continuer de vivre
                                        En gravant dans nos cœurs ce souvenir passé,

                                        Nous avons, un instant, fait un rêve éveillé :
                                        Très grand merci à vous qui m'avez fait rêver.

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