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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Guerre, #Jean-Pierre Melville
Léon Morin, Prêtre (Jean-Pierre Melville, 1961)

Barny (Emmanuelle Riva) est la jeune veuve d’un juif communiste. Elle élève seule sa jeune fille (Marielle et Patricia Gozzi), qu’elle envoie à la campagne pendant qu’elle travaille à la ville. Nous sommes en 1940 et cette ville est occupée par les soldats italiens. Plus tard viendront les Allemands.

Par bravade, elle entre dans un confessionnal, ayant la volonté de choquer le prêtre qu’elle soupçonne d’origine paysanne, et donc peut-être un tantinet bourru. Au lieu de cela, c’et un beau jeune homme, Léon Morin (Jean-Paul Belmondo) qui va instaurer un dialogue avec cette jeune femme perdue (moralement), la ramenant à la fois, en même temps qu’il va développer (involontairement) des sentiments amoureux chez elle.

 

Jean-Paul Belmondo était – en 1961 – la star montante de la nouvelle génération, capable de tout jouer, bien loin de l’image qu’il donnera de lui une vingtaine d’années plus tard, quand il enchaînera les rôles musclés avec cascades dans des films de qualité fort inégale…

Ici, il est un jeune prêtre phénoménal, inconscient du charme qu’il dégage et dont il craint tout de même les effets, restant continuellement dans les canons de l’Eglise catholique, en ce qui concerne le célibat des prêtres, s’entend. Le choix du beau Jean-Paul est d’ailleurs une des conditions sine qua non du succès du film : Barny ne peut être attirée que par un beau jeune prêtre.

A ses côtés, Emmanuelle Riva est elle aussi extraordinaire, interprétant cette femme qui se transforme, narratrice objective de cette transformation spirituelle dans une époque on ne peut plus troublée. De prime abord décontenancée par ce jeune prêtre au discours inattendu – surtout en 1940 – elle va peu à peu s’élever (spirituellement, bien sûr) au contact de cet homme.

 

Cette élévation est, à mon avis, le centre de l’intrigue. Elle se traduit surtout par la fréquentation du jeune prêtre dans l’appartement qu’il occupe dans la cure. En effet, c’est tout en haut du bâtiment qu’il a ses quartiers, et Barny va devoir sans cesse monter (physiquement) pour s’élever (spirituellement) : une quête pas seulement symbolique d’un paradis possible, ou tout du moins d’une quelconque rédemption.

Cette élévation vers Dieu va d’ailleurs muer : Morin représente la figure divine et Barny n’aura de cesse de s’en rapprocher, et comme « Dieu est amour » (1), elle ne peut que tomber amoureuse de cette image.

 

Mais cette image divine de Léon Morin possède en elle-même un paradoxe. Dans les Ecritures, aller vers Dieu, c’est aller vers la lumière. Or à chaque rencontre qui voit les deux protagonistes éclairés par quelque lampe, c’est elle qui reflète le plus fortement cette lumière, lui étant toujours moins lumineux. On notera d’ailleurs une superbe utilisation du noir et blanc (encore une fois) et surtout le magnifique travail d’Henri Decaë (dont c’est la quatrième collaboration avec Melville) derrière la caméra.

De plus, les reflets abondent dans le film. C’est le reflet d’une vitrine qui montre l’arrestation de deux hommes par les Allemands, mais ce sont surtout les reflets de Barny dans différents miroirs qui émaillent sa quête spirituelle (et amoureuse). Les miroirs de son âme ?

 

Au final, c’est à nouveau un film magistral que nous propose ici Jean-Pierre Melville, servi par un duo à la hauteur de l’événement. On retrouve le savoir-faire de Melville dans le découpage précis et équilibré, ainsi que dans la progression de l’intrigue. Melville prend son temps mais sans pour autant faire durer les séquences, interrompant par un fondu au noir quand le propos est énoncé. On retrouvera d’ailleurs cette construction et cette sobriété dans L’Armée des ombres, autre film emblématique du réalisateur. Et par certains côtés – l’époque et le rythme – on retrouve l’atmosphère du Silence de la Mer, son premier grand film (dans tous les sens du terme). D’ailleurs, Howard Vernon, qui y interprétait l’Occupant (au sens large) fait ici une apparition remarquée.

 

Un beau film. Tout simplement.

 

PS : trois mois environ après la sortie du film (le 25 décembre), Jean XXIII convoquait le concile Vatican II qui se tiendrait l’année suivante. Bien sûr, il n’y a aucun lien entre les deux événements. Juste le reflet (encore une fois) d’une tendance vers l’évolution de l’Eglise catholique, très bien exprimée par ce Léon Morin, prêtre tout de même bien singulier.

 

(1) C’est bien connu.

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