Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Marcel Carné, #Drame

Chef d’œuvre absolu.

D’un côté, il y a Frédérick Lemaître (Pierre Brasseur). L’acteur.

De l’autre, Baptiste Debureau (Jean-Louis Barrault). Le mime.

Il y a aussi Pierre-François Lacenaire (Marcel Herrand). Le criminel.

Et enfin Edouard de Montray (Louis Salou). Le riche.

Entre au milieu, Garance (Arletty). Le nom d’une fleur.

Tous ces personnages se retrouveront à un moment dans le cercle rouge cher à Melville.

Mais en attendant, chacun vit sa vie et gravite autour de Garance.

Tous l’aiment. Chacun à sa manière.

Pour Frédérick, c’est charnel.

Pour Montray, c’est une situation.

Pour Lacenaire, c’est ambigu.

Pour Baptiste, c’est absolu.

Alors chacun évolue et fait ce qu’il sait faire mieux.

Frédérick joue et gagne.

Montray se bat en duel.

Lacenaire joue et perd.

Baptiste ne dit rien et c’est un triomphe.

Et Garance les aime tous. Chacun à sa manière.

Parce que c’est une histoire d’amour. Le seul sujet qui vaille la peine.

Et Prévert, après avoir écrit le scénario, nous gratifie d’un dialogue merveilleux. Les répliques se succèdent et font mouche.

On s’amuse avec Frédérick qui a la meilleure répartie. Mais on rêve avec Baptiste qui attend le grand amour et n’est pas capable de le reconnaître quand il est à sa portée. On sourit de l’esprit tortueux de Lacenaire, mais on en frémit. On en arrive aussi à mépriser Montray, ce comte d’en haut qui n’a aucune considération pour ceux qui sont en bas.

Mais surtout, on aime Garance et sa simplicité, sa beauté et sa sensualité. Elle n’a besoin que d’être là pour illuminer l’écran : « Une petite lueur » aime-t-elle à répéter.

Car ce ne sont que des petites lueurs, tous ces personnages qui se côtoient, s’aiment et se perdent. Mais toutes ces lueurs assemblées font un merveilleux feu d’artifices.

Et Garance, celle qui est aimée de tous, saisit ces amours et en jouit. Elle est simple. Elle n’a pas besoin de grand-chose.

Mais le destin veille, et tout ne se passe pas comme il faut. Nathalie, qui aime Baptiste le résume : « tu aimes Garance, mais Garance aime Frédérick. »

Alors quand Garance revient, Nathalie (Maria Casarès) en est avertie et fait tout pour les séparer. Elle ne sait pas que le destin veille et les séparera. Pour son malheur, malgré tout. Car même si Garance repart, Baptiste est perdu pour elle.

Et puis il y a tout ce Paris pittoresque cher à Prévert. Même si l’action se situe au XIXème siècle, les humains sont tous pareils. On va découvrir les bas-fonds du Boulevard du Crime, emmenés par Lacenaire. On découvre Fil-de-Soie, l’aveugle qui recouvre la vue une fois le pas de la porte de l’auberge passé. On découvre aussi Avril (Fabien Loris), l’ami de Lacenaire, qui est plus dans l’action que dans la réflexion. Et enfin Jéricho (Pierre Renoir), dit Josué, dit…

Jericho, c’est le mal-aimé. Le solitaire. Le Juif errant. Il est répugnant, avare, veule et indiscret. A l’origine, c’est Le Vigan qui devait l’interpréter, mais la Libération arrivant, il s’enfuit et fut remplacé par Pierre Renoir. On y a certainement perdu.

Alors que Garance attire l’amour de tous, Jericho attire la haine générale. Il est méprisé de tous, sauf Nathalie qui n’est pas capable de haïr quelqu’un, même pas celle qui lui vole Baptiste.

Et puis, il y a les regards.

Le regard calculateur et amusé de Lacenaire, le regard jaloux de Frédérick quand Garance revient, le regard enjoué de Garance à chaque instant.

Le regard de Baptiste pendant la pantomime quand il s’aperçoit que Garance et Frédérick sont plus que des amis. Son regard se voile progressivement et se transforme en haine, effrayant Nathalie.

Un autre regard éloquent, celui d’Avril, quand Lacenaire tue Montray. Son regard assuré de mauvais garçon perd progressivement de sa contenance jusqu’au coup de couteau fatal qui le fait sursauter et l’anéantit.

Et puis la musique de Joseph Kosma, dans la clandestinité, qui décline ses thèmes à différents moments du film.

Après l’égarement des Visiteurs du Soir, Carné est de retour avec un chef-d’œuvre. Hélas, tout ce qui suivra ne pourra plus jamais atteindre un tel sommet.

Alors contentons-nous de savourer cette magnifique histoire d’amour, où le personnage central est une femme, ce qui n’était pas souvent le cas des films de Carné.

PS : qui sont les enfants ? Sont-ce ceux qui assistent au spectacle au dernier étage, près du ciel du théâtre ? Ou plutôt ceux qui sont admirés et aimés par ces spectateurs, les acteurs eux-mêmes de cette histoire, les vrais enfants de ce Paradis ?

Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog