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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Jacques Tati
Les Vacances de monsieur Hulot (Jacques Tati, 1953)

Saint-Marc-sur-Mer (44) entre Saint-Nazaire et Pornichet.

Sa plage, ses rochers, son hôtel, ses habitués…

Un vieux couple qui sort faire une promenade digestive et vespérale, immuablement ; un homme d’affaire affairé, une vielle Anglaise (Valentine Camax), une jeune femme blonde (Nathalie Pascaud)… Et monsieur Hulot (Jacques Tati).

Tous sont en vacances, même l’homme d’affaire (entre deux coups de téléphone).

 

Second film de Jacques Tati, Les Vacances sont encore une fois une chronique du temps qui passe. De ces jours d’été qui se suivent et se ressemblent, au bord de la mer. C’est un lieu fréquenté par des habitués, qui ont leur rythme et leurs habitudes.

Le temps s’écoule doucement, paisiblement. Jusqu’à l’arrivée de Monsieur Hulot.

Hulot, à l’instar du vagabond de Chaplin, est un inadapté : trop grand, maladroit, les gestes mécaniques, étourdi. Mais surtout, déstabilisant.

 

Si François (Jour de Fête) était gentil mas pas spécialement malin, il n’en va pas de même de ce nouveau personnage. Hulot est athlétique et serviable, et plein de ressource. Il est de ces personnes qu’on aime beaucoup ou absolument pas. Et ici, c’est le camp des absolument pas qui est le plus représenté. Il faut dire qu’à chaque apparition dans la routine de l’hôtel du grand homme au petit chapeau de toile, c’est un début de chaos qui se prépare : la porte de l’hôtel n’est jamais fermé, la musique qu’il écoute tonitruante, et ses interventions auprès des autres pensionnaires amenant toujours une catastrophe.

 

Mais, malgré tout cela, c’est un personnage très attachant. C’est un grand frère que les enfants aiment voir arriver, un compagnon de randonnée pour les jeunes filles, un danseur inoubliable pour la jeune fille blonde. Mais surtout, c’est le personnage le plus vivant du film : quand il arrive, tout se met en branle, la vie s’anime.

Et à part les enfants, seuls trois adultes se réjouissent de son apparition : la jeune fille blonde, bien sûr, la vieille anglaise, et aussi le vieux promeneur (René Lacourt) qui a le regard qui se met à pétiller d’espièglerie quand il l’aperçoit. Car, si sa femme s’émerveille de la beauté du lieu et des diverses curiosités se présentant à elle, lui s’émerveille d’une toute autre beauté – la jeune fille femme blonde – et d’une autre curiosité ô combien plus intéressante : Monsieur Hulot.

La vieille Anglaise, quant à elle, est charmée par ce grand homme si peu sérieux et plein de vie. En son absence, elle traîne sa mélancolie dans le hall de l’hôtel, ne goûtant pas les occupations routinières des autres résidents.

Ces deux personnages sont d’ailleurs les seuls qui aspirent à retrouver Hulot dans le futur : dans leur vraie vie qu’ils vont retrouver (l’homme), ou aux prochaines vacances (l’Anglaise).

Et la jeune femme ? Elle s’amuse de cet homme trop grand dans un monde de petites gens. Il est maladroit et étourdi ? Qu’importe, il la fait rire, et c’est ça qui importe le plus.

 

Parce que, avant tout, Hulot fait rire. Il fait rire involontairement surtout, à ses dépens la plupart du temps, mais avec un humour subtile qui le fait aimer des rares résidents conquis et surtout des spectateurs. Hulot, c’est un homme ordinaire extraordinaire. Ordinaire car il peut être n’importe qui, il n’a aucune importance sociale ou professionnelle. Extraordinaire parce que ce qui lui arrive prend toujours des proportions inhabituelles. Ce qui pour le spectateur serait une calamité devient ici une arme redoutable du rire, teinté de cette même nostalgie qui baignait Jour de Fête.


Comme dans son film précédent, Tati ne nous livre pas un film avec une intrigue bien ficelé et une continuité narrative. C’est encore une fois une chronique, une parenthèse dans ce monde qui se modernise à grande vitesse.
Alors que les vacanciers viennent dans des voitures récentes, Hulot arrive dans un véhicule antédiluvien (VAL 3) au moteur pétaradant joyeusement. Autre signe de ces temps modernes : la gare où les hauts parleurs annoncent un train arrivant… Et bien entendu le téléphone qui rappelle sans cesse M. Schmutz.

 

Et comme dans Jour de Fête, on retrouve des gags récurrents : la guimauve qui pend, le patron de l’hôtel perturbé à chaque apparition de Hulot… Et le serveur qui ne cesse de râler… Silencieusement !

Jamais on n’entend sa voix, mais pourtant, on le voit essentiellement se plaindre.

Il faut dire que, comme Les Temps modernes, c’est un film sinon parlant du moins sonore. Tati admirait les maîtres du burlesque, et Hulot est vraiment l’héritier de ces personnages popularisés par Chaplin (bien sûr), Keaton ou Lloyd pour ne citer que ceux-là.
De toute façon, les paroles ne comptent pas. Ou si peu. Le seul moment où on entend des paroles intelligibles – à défaut d’être intelligentes – c’est quand la TSF retransmet un discours politique particulièrement creux, et définitivement interrompu par la musique du bal.

Parce qu’il y a un bal. Et qui y trouve-t-on ? Les enfants, grands alliés de Hulot et toujours présents chez Tati, la jeune femme blonde en  Colombine avec une robe arlequinée, la vieille Anglaise, et Hulot. Et le vieux monsieur ? Il s’échappe subrepticement de sa promenade pour jeter un œil rapide dans la salle de bal.

Le bal est triste : quand la jeune femme arrive, personne ne l’accueille. Et soudain il paraît et l’invite : Hulot le pirate (bord de mer oblige) la fait danser au son de la magnifique musique d’Alain Romans. Une musique mélancolique et nostalgique, résumant à elle seule l’atmosphère du film.
 

Et encore une fois, Tati ponctue son film par une fin en demi-teinte : ni heureuse, ni malheureuse. A chacun d’en tirer sa propre opinion.

 

 

PS : 65 ans après, l’Hôtel de la Plage est toujours là. Saint-Marc s’est transformé, mais sur le front de mer, dominant la plage qui porte son nom, Monsieur Hulot, penché, les bras à la taille, regarde l’océan. Sa pipe a disparu, mais son esprit est indissociable du ressac qui repart après avoir heurté les mêmes rochers, inlassablement.

 

Plage de M. Hulot, Saint-Marc-sur-Mer, 1 janvier 2018.

Plage de M. Hulot, Saint-Marc-sur-Mer, 1 janvier 2018.

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