C’est un homme qui court. Il s’appelle Lucas. Lucas Skali (Roschdy Zem). Il est flic.
Il court après les bandits. Il court après sa fille. Il court après sa vie.
Il enquête sur un trafic qui va le rapprocher de sa fille. Sa fille Maya (Leïla Bekhti) qu’il ne connaît pas.
Il y a chez Pierre Jolivet une constante : la relation à l’autre. Et ici, cette relation, ou plutôt ces relations sont le nœud de l’intrigue.
Certes Skali est policier et enquête. Mais le rapprochement géographique d’avec sa fille perturbe son mode de fonctionnement. Il ne peut plus l’ignorer. Et peut-être ne le veut-il plus, lui qui a abandonné la mère quand elle lui a annoncé être enceinte.
« On fait tous des conneries » s’excuse-t-il presque. Mais le fait est là : il a une fille, et il ne la connaît que par son dossier administratif.
Parce que Maya, elle aussi, est flique. Certes elle ‘na pas la carrière prestigieuse de celui qui aurait dû être son père, mais elle fait tout de même partie de la grande Maison. Elle travaille sous les ordres de Bass (Marc Lavoine), un crack (1) des stup’s, mais qui a tendance à faire passer la déontologie au second plan : en clair, c’est un pourri, et comme toute chose pourrie, il a contaminé ceux qu’il touche. Maya comme les autres.
Et puis il y a le coup de pouce du Destin : ils vont se « croiser », comme le dit le père. Se croiser, alors qu’il y aurait tellement mieux à faire.
Mais ce n’est jamais le bon moment. Il y a toujours autre chose qui fait que le croisement n’est jamais bien long. Cette chose, c’est la parole.
Pourtant Skali parle très bien. Quand il travaille. Et avec sa fille, comme il n’est pas dans le cadre du boulot, il parle mal. Oh, il n’est pas incorrect. Il est juste maladroit.
Maladroit comme peut l’être quelqu’un qui se prend son passé à la figure, deux fois :
- par sa fille qui lui reproche tout parce qu’elle ne sait pas comment lui parler et qu’il est toujours plus facile d’agresser que d’aider ;
- ensuite c’est lui-même qui se le reproche, par ses mots qu’il ne peut pas trouver, parce que devenir père de but en blanc, d’une jeune femme de 26 ans, ce n’est pas simple. Et pourtant…
Pourtant, à un moment, ils devront faire le grand saut. Mais peut-on rattraper 26 ans en quelques minutes ? Non. Normalement pas. Mais des fois, le Destin, encore lui, abolit le temps et l’espace, et la fusion se fait, parce que de toute façon, il ne reste plus rien.
Plus rien qu’un homme qui court. Seul.
Et qui s’assoit devant un paysage somptueux.
Et qui s’y perd, terriblement seul.
(1) Non, ce n’est pas un pléonasme…