Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Michel Blanc, #Comédie
Marche à l'Ombre (Michel Blanc, 1984)

Un cargo arrive à Marseille.

Parmi les dockers, deux jeunes gens, en transit entre Athènes et Paris : François (Gérard Lanvin) et surtout Denis (Michel Blanc).

Ce sont des SDF, jeunes peut-être, mais SDF tout de même.

Ils montent à Paris retrouver leur Arlésienne : Gérard.

A Paris, pas de Gérard, mais des types louches qui proposent des affaires encore plus louche.

Et puis il y a Mathilde (Sophie Duez). Mathilde, c’est le rayon de soleil pendant que les deux compères font la manche, sous une pluie battante.

Et puis, ça ne se commande pas : François tombe amoureux de Mathilde, et Mathilde de François.

Et Denis dans tout ça ?

Il aime la musique irlandaise.

 

Le film aurait pu s’intituler La Revanche de Jean-Claude Dusse.

En effet, on retrouve Michel Blanc dans un rôle qui était le sien dans les Bronzés, ou encore celui de Guy, dans Viens chez moi, j’habite chez une Copine.

Il a les moustaches de rigueur et est un hypocondriaque grave : pensez donc, son entorse a dû s’infecter !

C’est sa revanche car à deux reprises il n’a pas seulement une ouverture, il parvient à la conclusion, et au lit s’il vous plaît.

Mais Denis étant Denis, cousin des deux autres susnommés, il lui arrive à chaque fois un pépin au dernier moment, comme l’arrivée inopinée de François qui s’est fait « jeter ».

 

Et si Denis est plus dans la lignée de Guy, François rappelle pour sa part Daniel, le compagnon d’infortune de Guy, interprété par Bernard Giraudeau. Mais si Guy n’avait peur de rien et osait tout, il n’en va pas de même de Denis qui, en plus d’avoir toujours mal quelque part, ne brille pas par son courage.

Qu’importe, son personnage est au moins aussi attachant que les autres, et on s’amuse beaucoup des turpitudes qui lui arrivent.

 

Michel Blanc, en passant à la réalisation reste dans un  domaine qu’il connaît très bien, la comédie. La parenté avec Viens chez moi est d’autant plus flagrante que Blanc avait adapté et écrit les dialogues du film de Patrice Leconte (1). Et si c’est Gérard Lanvin qui lui donne la réplique, c’est parce que Bernard Giraudeau n’était pas disponible.

Bien entendu, Denis est le personnage central du film. Michel Blanc est magnifique dans ce loser au regard triste.

 

Sans parler des dialogues dont certains sont dignes des grandes répliques du cinéma : la séquence où Denis a fumé un énorme joint et n’est plus étanche n’a pas perdu une once du comique originel. C’est un moment-clé du film. On a d’un côté une situation des plus drôles avec une émotion intense dans le même temps. François qui recueille Denis dans son giron, pour le protéger des renards, le couve, la calvitie de Michel Blanc ajoutant à l’analogie du bébé dans les bras de sa mère.

Parce que Denis et François ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre. Denis étant ce qu’il est, François ne peut pas l’abandonner. Deux fois ils se brouillent, François partant seul pendant que Denis rumine. Mais à chaque fois, ils se retrouvent.

 

Ces deux hommes, unis par un lien fort ne sont ni les premiers ni les derniers du cinéma français. On pense bien sûr à Jean Gabin et Marcel Dalio, évadés, dans La grande Illusion, et le transport des valises a un petit côté La Traversée de Paris (à nouveau avec Gabin mais aussi Bourvil) qui n’est pas anodin. A chaque fois, on trouve deux hommes, absolument mal assortis mais tout de même liés par ce qu’ils sont ou à défaut par ce qu’ils font.


Bref, près de 35 ans après, le film a gardé sa fraîcheur et on ne se lasse pas de voir Denis commander un morceau de fromage de tête, mais un petit, parce que « c’est pour un bébé. »

Malheureusement tout de même, la réalité décrite dans le film (2) est toujours d’actualité, et je ne vois pas comment ça pourrait changer, quand on voit les politiques mises en place contre l’exclusion et qui excluent essentiellement les plus pauvres, et surtout les SDF, d’une vie tout simplement digne : avoir un toit pour dormir, se nourrir et se laver.

 

Quand ce film est sorti (j’avais 16 ans) il m’a aussiattiré pour la musique : on y retrouvait entre autres Renaud et Téléphone qu’on écoutait beaucoup (3). Et la chanson New York avec toi, en plus de son côté prémonitoire, est un très beau résumé du parcours de Denis et François. Il y a un désespoir dans les paroles de Jean-Louis Aubert qu’on pourrait retrouver chez nos deux compères, si le film n’était une comédie : « et puis c’est tellement grand que vite on oubliera que nulle part c’est chez moi, chez toi, chez nous, quoi ! ».

 

 Mais comme c’est une comédie, on peut imaginer que cette errance va s’arrêter (4)…

 

  1. On peut même apercevoir Patrice Leconte au moment où Denis écoute Katrina (Katrine Boorman, la fille de John).
  2. D’une certaine façon, ce film participe à un mouvement de prise de conscience de la misère en bas de chez soi. Un an plus tard, Coluche fondait les Restos du Cœur, agacé de voir qu’on faisait des campagnes contre la faim dans le monde alors que des gens ne mangeaient pas à leur faim en France.
  3. Que voulez-vous, je ne suis plus tout jeune…
  4. Le film se termine là où il a commencé : dans un port. La boucle est bouclée.
Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog