2054.
Le crime (de sang) a été éradiqué sur la ville de Washington (1). Comment ? Grâce à la société Precrime qui exploite le don de trois adolescents – Agatha (Samantha Morton), Dash (Matthew Dickman) et Arthur (Michael Dickman), les précogs – qui peuvent prévoir à l’avance un crime de sang.
La police intervient avant le passage à l’acte et le crime est évité.
Tout se passe bien jusqu’au jour où John Anderton (Tom Cruise) doit traiter d’un meurtre qu’il va lui-même commettre…
Retour de Spielberg à la science-fiction. Mais cette fois-ci, pas de vaisseau spatial, pas d’extraterrestre amical. Une anticipation de 50 ans dans l’avenir, dans un futur (idéal ?) où la sécurité si chère aux citoyens (sont-ce encore des « citoyens » ?) a été très renforcée puisqu’on y prédit les assassinats assez tôt pour les empêcher (2).
La base de Precrime est un rêve que chaque société a pu faire dans ses périodes de réflexion, pendant les rédactions des différentes constitutions des pays du monde entier. La lutte contre la criminalité a toujours été un enjeu politique autant que sociétal.
Alors quand Spielberg nous montre cette avancée technologique, on peut se sentir attiré par une telle proposition.
Mais très rapidement se pose la question inévitable : si les précogs sont des alliés précieux dans la lutte contre la violence, qu’en est-il du libre arbitre ? En effet, arrêter un criminel avant qu’il ne commette son crime – dénoncé par les visions des trois ados – n’est-ce pas nier la possibilité qu’il n’aille pas jusqu’au bout ? Ce débat est vite désamorcé par Anderton lorsque Witwer (Colin Farrell) vient enquêter sur ce système « parfait ».
Pour Spielberg, la réponse est sans équivoque : oui, c’est nier la possible rétractation du criminel en puissance. Mais le montrer est une autre affaire.
Nous pénétrons alors dans l’intimité de John Anderton, qui a rejoint cette unité après la disparition de son fils, enlevé alors qu’il était avec lui à la piscine.
Si la situation où un système se retourne contre son usager est fréquente – ce qui est le cas inévitablement ici – Spielberg ne se contentez pas de cette option.
Pas un moment du film n’est gratuit. Les prises de drogue, les vidéos (en 3D) des partages avec son fils ou encore les différentes possibilités que la technologie offre à Anderton (et aux autres) sont exploitées avec une maîtrise extraordinaire.
Chaque attitude, chaque comportement d’Anderton a sa source dans ce que nous apprenons de lui au fur et à mesure que le film avance.
De plus, si le futur que nous propose le film est dominé par la technologie, les lieux fréquentés ne sont pas bien différents de ceux que nous connaissons (2002 n’est pas bien loin de notre présent), mais ce qui ressort de ce tableau, c’est avant tout une noirceur terrible. Ce monde semble privé de ses couleurs, de ce qui peut être « beau ». Les rares références culturelles du film sont surtout musicales : Anderton, aux accords de la Symphonie inachevée de Schubert, exécute un ballet manuel pour reconstituer les meurtres annoncés et les empêcher.
Autre référence culturelle, la photo, à travers les œuvres de Lara Anderton (Kathryn Morris), photographe de la solitude et la désolation, toujours en noir et blanc.
Car le noir et blanc est la teinte qui domine pendant la plus grande partie du film. Comme si ce monde sans crime était devenu uniforme et triste, où la vie s’écoulerait sans véritable passion (3).
Alors quand – enfin – la machine se dérègle (le facteur humain, toujours lui), le monde reprend peu à peu ses couleurs, ramenant cette humanité indispensable à la société.
Et les enfants, dans tout ça ?
Il y a très souvent chez Spielberg un aspect infantile prégnant. Si Anderton n’a rien de Roy Neary (Rencontres du troisième Type) ou encore Ray Ferrier (La Guerre des mondes, avec une nouvelle fois Tom Cruise), deux sortes d’enfants sont bien présent dans ce monde, chacun représentant deux époques bien distinctes :
- Sean (Dominic Scott Kay puis Tyler Patrick Jones) est le passé d’Anderton, la raison qui l’a poussé à intégrer Precrime ;
- Agatha, Arthur et Dash, les précogs, représentent son présent.
Mais que ce soit le fils de John ou les trois adolescents, ce sont avant tout des enfants victimes des adultes : Sean fut victime d’un pédophile alors que les trois précogs sont maintenus dans un univers aseptisé, où leur cauchemars (les visions criminelles) sont entretenues et encouragées – la rencontre avec Iris Hineman (Lois Smith), conceptrice du projet, est à ce sujet, glaçante.
Et l’avenir ? (4)
Je vous le laisse (re)découvrir : bien entendu, un enfant est en jeu…
- L’une des villes les plus meurtrières des Etats-Unis aujourd’hui encore.
- Encore une nouvelle de Philip K. Dick à l’origine de ce film formidable.
- Voir à ce sujet le film The Giver, (Philip Noyce, 2014)
- Parce qu’il y en a un.